L'Église Unie du Canada

Menu

Les chrétiens contre les armes nucléaires

| CHRONIQUE | CROIRE ET AGIR |

| Par André Jacob |

 

Photo : Hiroshima, Freedom II Andres CC BY 2.0

L’entrée en vigueur le 22 janvier 2021 du Traité pour l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a exposé au grand jour le refus du gouvernement canadien de signer et de ratifier cet important traité. Dans sa chronique Croire et agir, André Jacob nous rappelle que l’action solidaire et concertée des églises chrétiennes au Canada et dans le monde est une force dynamique exemplaire dans l’action pour le désarmement nucléaire.

Membre célèbre de l’Église Unie du Canada, madame Setsuko Thurlow (née Setsuko Nakamura), survivante du bombardement atomique d’Hiroshima par les États-Unis le 6 août 1945 et récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2017, milite depuis très longtemps pour l’interdiction des armes nucléaires et pour la paix. Elle estime que lutter pour l’abolition des armes nucléaires et pour un monde juste pour les générations futures est un devoir moral impératif[1].

Son témoignage se situe au cœur de l’actualité puisque, le 22 janvier 2021, entrait en vigueur le Traité pour l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Ce traité, que les pays détenteurs d’armes nucléaires ainsi que le Canada n’ont ni signé ni ratifié, propose que les États ne fabriquent plus de telles armes. Le TIAN demande surtout aux États signataires de s’engager dans des négociations de bonne foi dans le développement de mesures efficaces de désarmement nucléaire.[2] Malgré sa notoriété, madame Setsuko Thurlow n’a pas réussi à infléchir la position du gouvernement canadien. Le Canada suit plutôt l’ombre des États-Unis, notre puissant voisin, de peur de provoquer le monstre; les États-Unis, la Chine, la Russie, la Corée du Nord, Israël, le Pakistan, l’Inde, le Royaume-Uni et la France, tous possesseurs de ce type d’armements, s’opposent au TIAN.

 

Une étape fondamentale d’une nouvelle ère en droit international

La détermination remarquable de madame Setsuko Thurlow porte ombrage à l’indolence, pour ne pas dire la lâcheté du gouvernement canadien par rapport à cet important traité. Je présume que l’Église Unie a pris position conjointement avec la Commission Justice et Paix du Conseil canadien des Églises qui a publié une position claire demandant au gouvernement canadien de signer et de ratifier le TIAN[3]. Dans la même veine, Project Ploughshares, un organisme porte-parole lié au Conseil canadien des églises, insiste avec vigueur sur le fait que le gouvernement canadien devrait considérer le désarmement nucléaire comme priorité de sa politique étrangère et cesser d’aligner ses positions sur celles des pays détenteurs d’armes nucléaires[4].

Par ailleurs, le Conseil œcuménique des églises, organisme lié au Vatican, a salué la mise en vigueur du TIAN comme une étape fondamentale d’une nouvelle ère en droit international. On estime que la possession et l’utilisation d’armes nucléaires correspond à une véritable injustice sur le plan humain, moral, social et politique. À l’occasion de cet événement, le cardinal Silvio Tomasi a déclaré que « Personne ne se berce d’illusions en pensant que les déclarations morales seules conduiront au désarmement, mais les normes nouvellement promulguées peuvent soutenir et même guider les négociations complexes, en espérant atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires. (…) et il ajoute que « dans ce domaine, les religions et toutes les confessions chrétiennes peuvent converger et amplifier ensemble le même message moral pour les croyants comme pour les non-croyants. [5]»

Une autre dimension significative de cette déclaration mérite d’être considérée, soit la conversion des budgets consacrés aux arsenaux en fonds de développement durable et de pratiques respectueuses des États en matière de sécurité intégrale.

 

Un défi et un impératif moral et humanitaire

En conclusion, rappelons que, comme signe de l’engagement des chrétien.e.s contre les armes nucléaires, l’encyclique du pape François sur la fraternité et l’amitié sociale de 2020, Fratelli tutti, lance un appel au monde : « l’objectif ultime de l’élimination totale des armes nucléaires devient à la fois un défi et un impératif moral et humanitaire. [6]» Les protestants ne sont pas en reste. L’action solidaire et concertée des églises chrétiennes au Canada et dans le monde constitue une force dynamique exemplaire dans l’action pour le désarmement nucléaire. De toute manière, comme le rappelle Moreau-Defarges, l’humanité est condamnée à la paix[7]; personne ne sortira gagnant des luttes incessantes et surtout dévastatrices si les armes nucléaires sont utilisées de nouveau malgré les leçons d’Hiroshima-Nagasaki; croyant.e.s et non-croyant.e.s sont « condamnés » à travailler ensemble au bien-être de l’humanité. Utopie, diront les sceptiques, mais il s’agit plutôt d’un regard lucide sur la réalité de notre monde.

Rappelons le message de madame Nakamara Setsuko-Thurlow à savoir l’engagement pour la paix est un devoir moral. À mon sens, toutes les communautés de l’Église unie devraient placer la recherche de la paix au cœur de leur action tout comme elles le font pour d’autres enjeux sociaux comme le racisme et la discrimination. Comme le dit la confession de foi de l’Église Unie : nous sommes appelés à constituer l’Église (…) pour vivre avec respect dans la création.

 

[1] https://united-church.ca/blogs/round-table/hiroshima-nobel-peace-prize

[2] Bachand, Rémi. « Un traité contraignant… pour ses signataires » in La Presse, 22 janvier 2021.

[3] Conseil canadien des églises. Lette au ministre des Affaires étrangères concernant le TIAN. (22 janvier 2021).

[4] Jamillo, Cesar. It’s time for Canada to signal a shift in its nuclear disarmament policy. Project Ploughshares (January 29, 2021).

[5] https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2021-02/traite-interdiction-armes-nucleaires-reaction-cardinal-tomasi.html

[6] Poyard, Pierre-Olivier. « Les catholiques engagés contre l’arme nucléaire » in Planète Paix, no 658-659 – janvier/février 2021, p. 21.

[7] Moreau-Defrages, Philippe (2020). Une histoire mondiale de la paix. Paris, Odile Jacob, p. 169.

 

Les commentaires sont fermés.