Dès le début de la colonisation française de l’Amérique du Nord, les protestants étaient présents. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs fortement contribué à l’établissement de la Nouvelle-France, dont le sieur de Roberval et Pierre Du Gua de Mons (premier gouverneur, qui finança la fondation de Québec par Champlain, lui-même d’origine protestante). Un bon nombre de protestants se sont établis dans la colonie, si bien qu’à cette époque, la Bible était lue en français et les psaumes chantés sur les rives du Saint-Laurent. Mais en 1627, l’octroi du monopole du commerce colonial à la compagnie des Cent-Associés interdit aux protestants de venir en Amérique. Malgré les protestations du clergé catholique, les autorités n’appliquent pas fermement cette règle. Par contre, avec la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685, les persécutions envers les protestants s’accentuent et plusieurs de ceux-ci, sous pression, se convertissent au catholicisme, entrent dans la clandestinité ou quittent la colonie. Cette première présence protestante francophone finit par disparaître. Les protestants francophones d’aujourd’hui ne sont pas les descendants des premiers protestants dans la colonie.
Il faut attendre 1834 pour voir à nouveau une présence franco-protestante chez nous, avec l’arrivée de missionnaires suisses et français. En 1839 est fondée la Société missionnaire canadienne française (SMCF), œuvre interconfessionnelle qui donnera naissance à plusieurs écoles de rangs pour les démunis et plusieurs postes de mission et paroisses dont Belle-Rivière (Mirabel, 1840), Saint-Jean (Montréal, 1841), Saint-Marc (Ottawa, 1867) et Saint-Paul (Namur, 1870), qui font aujourd’hui partie de l’Église Unie. Soutenue par les Églises congrégationalistes, presbytériennes, méthodistes et anglicanes anglophones, la SMCF disparaît en 1880 lorsque ces Églises retirent leur appui à la Société; chaque Église veut faire sa propre mission, avoir ses paroisses francophones, et entre en compétition avec les Églises jusque-là partenaires. Les protestants francophones, auparavant réunis en une seule grande famille, se voient dispersés en plusieurs Églises séparées qui se partagent le personnel et les avoirs de la SMCF. On compte alors 86 agents (pasteurs, missionnaires, colporteurs) et plus de 9 000 membres.
Entre 1906 et 1912, les Églises protestantes se désintéressent de l’évangélisation des francophones au profit de l’Ouest canadien et dissolvent leurs comités missionnaires propres au Québec francophone. En 1925, les paroisses francophones méthodistes, presbytériennes et congrégationalistes adhèrent unanimement et avec enthousiasme à l’Union qui crée l’Église Unie. Les francophones y voient l’occasion de reconstituer la grande famille de l’époque de la Société missionnaire. Il existe alors 45 paroisses, une quarantaine de postes de mission et une douzaine d’écoles. Au recensement de 1931, on dénombre 11 581 protestants d’origine canadienne française.
Mais les francophones ne font malheureusement pas partie des priorités de la nouvelle Église, qui ferme toutes les écoles sauf l’Institut évangélique de Pointe-aux-Trembles, élimine le module de formation théologique en français et diminue son soutien à la mission francophone. Si bien qu’en 1940, il ne reste plus que 11 paroisses francophones et 4 600 fidèles, et dans les années 1950, le manque de pasteurs oblige à recruter en Europe. C’est dans les années 1970 que l’Église reprend conscience de l’importance de l’œuvre francophone et tente un rattrapage avec la création de nombreux groupes de travail et de réflexion sur les relations francophones-anglophones. L’Église Unie appuie les revendications linguistiques des Acadiens et des Franco-Ontariens, la réhabilitation de Louis Riel et reconnaît (par deux fois) le droit des Québécois à l’autodétermination.
En 1985, la création d’un consistoire non territorial regroupant presque toutes les paroisses francophones, le Consistoire Laurentien, octroie aux francophones l’autonomie dans la gestion de leurs affaires. De 1985 à 2018, le Consistoire Laurentien était le principal lieu de décision et d’expression identitaire francophone au sein de l’Église.
Le 9 février 2019, après un travail préparatoire de plusieurs mois, une assemblée constituante a donné naissance à la Table des ministères en français. Cette structure de représentation des communautés de foi francophones et bilingues a été repensée dans la foulée de la « révision globale » de l’Église Unie du Canada. L’allégement des structures impliquant l’élimination de tous les consistoires a été l’occasion de miser davantage sur les ponts et les interactions entre la minorité francophone et la majorité anglophone à tous les niveaux de l’organisation. Beaucoup de réflexion et de discussions ont conduit à définir un modèle équilibré qui préviendrait à la fois l’isolement et la dilution du fait francophone.