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L’effet du racisme intériorisé

Alcris Limongi.

Alcris Limongi

Apprentissage

Le concept de racisme intériorisé est souvent mal interprété. Lorsque nous l’utilisons dans les ateliers de lutte contre le racisme, la première idée qui vient à l’esprit des gens est que nous parlons d’une personne blanche qui devient raciste. Or, le racisme intériorisé ne concerne pas les Blancs, mais nous, Autochtones et personnes racisées. Il se manifeste lorsque nous ouvrons la porte de notre esprit, consciemment ou non, aux messages racistes constants, explicites ou cachés, que nous recevons personnellement et systématiquement, et que nous commençons à accepter, à croire et à reprendre à notre compte. La notion de racisme intériorisé est comparable à celle de croyances limitantes dans le domaine de l’accompagnement ou de la psychologie cognitive. Cependant, il est plus que cela. Il est systémique, et les Autochtones et les personnes racisées n’y sont pour rien. Il touche les peuples et personnes autochtones et racisés qui vivent dans une société suprémaciste blanche, où nos réalisations et nos besoins sont souvent rendus invisibles, où nos groupes raciaux sont souvent stéréotypés, où nos voix sont réduites au silence ou ignorées, et où les réalités et les expériences qui sont les nôtres ne semblent pas pertinentes pour la société dominante. Par exemple, parmi nous, il y a racisme intériorisé lorsque beaucoup commencent à croire qu’ils ont moins de valeur, qu’ils sont moins doués, moins importants et qu’ils ne sont tout simplement pas assez bons.

Le racisme intériorisé est l’un des effets les plus réels, les plus invisibles et les plus douloureux du racisme.

Nous pouvons réagir en projetant le rejet sur notre propre groupe racial ou en nous rejetant nous-mêmes. Le racisme nous maintient séparés les uns des autres et de nous-mêmes; il nous empêche de nous épanouir et de développer nos dons. Certains d’entre nous peuvent réagir par le déni en prétendant que le racisme n’existe pas ou n’a pas d’influence sur leur vie, d’autres éprouvent de la honte et de la confusion, de la frustration ou de la colère, d’autres ont besoin de faire leurs preuves et d’autres encore s’imposent simplement des limites.

Je dois préciser que ce n’est pas l’expérience universelle de toutes les personnes autochtones et racisées. Je ne peux pas prétendre non plus représenter toutes les expériences et tous les groupes; cette réflexion découle de mon expérience personnelle, de mon travail dans le domaine de la justice raciale et de mes réflexions sur les propos que j’ai entendus chez des personnes racisées comme moi. Il faut du temps pour changer cela. Tout d’abord, même si c’est réel et douloureux pour nous, nous devons déterminer ce qu’est le racisme intériorisé et le nommer. En d’autres termes, nous qui sommes autochtones et racisés, nous devons prendre conscience de ce qui se passe en nous et en quoi ces messages négatifs influent sur notre estime de nous-mêmes et sur notre santé physique et mentale, et sur les rapports conflictuels que nous avons avec notre propre identité.

Je me souviens de mon arrivée au Canada. J’ai assisté à un atelier de recherche d’emploi pour les nouveaux arrivants. Il était organisé pour les personnes d’Amérique latine dans un centre communautaire bien connu. Tout au long de la séance, nous avons été incités à trouver un emploi dans les services de ramassage des ordures. C’était bien payé, nous a-t-on dit, c’était une chance unique et nous ne pourrions rien trouver de mieux au Canada. (Il n’y a rien de mal à ramasser les ordures, mais c’était l’une des seules possibilités qui nous étaient proposées.) Je me souviens encore de ce que j’ai ressenti; on nous avait peint le plafond invisible. Cela m’a beaucoup affectée, mais j’ai vite repéré ce qui n’allait pas dans le portrait de la situation représentée par ce message systémique bien intentionné et conçu pour aider et soutenir les nouveaux arrivants.

Pour nous, en tant que personnes autochtones et racisées, il est important de vraiment écouter ce que nous entendons tous les jours. Utiliser le symbolisme de Jésus dans Jean 17, c’est comme se laver les pieds après une longue journée de travail. Nous devons détecter les voix systémiques et condescendantes qui nous entourent avant de les laisser inconsciemment pénétrer en nous et influer sur notre existence. Pour les Blancs, il est important d’entendre également, dans leurs propres milieux, ce qui est dit aux personnes racisées et à leur propos. Lorsque nous pratiquons l’observation intentionnelle, les choses que nous remarquons sont étonnantes. C’est l’une des premières étapes pour devenir un allié : s’informer de ce qui se passe dans l’arrière-plan invisible et le comprendre. Ici, les voix de nos alliés sont particulièrement utiles parce que, parfois, nos alliés sont plus facilement entendus que nous. N’oubliez pas que la déviation la plus courante dans les conversations sur le racisme est le déni, qui repose sur l’idée que tout est subjectif et que nous sommes trop sensibles. La totalité de la personne doit être engagée dans la transformation.

Réflexion sur la foi

Il n’y a pas de meilleurs versets de la Bible que ceux qui portent sur la femme de Luc 13,10-17, pour réfléchir au racisme intériorisé. La femme de Luc vivait depuis plus de 18 ans avec une maladie qui la rendait incapable de se tenir droite.

  1. Lisez le passage. Si vous êtes en groupe, demandez à chaque personne de lire les versets à haute voix. Participez en parlant et en écoutant.

Discutez de la situation de la femme. À votre avis, quelles étiquettes a-t-on pu lui coller pendant ces 18 années? Quelle était l’attitude de Jésus et des autres personnes décrites dans les versets? Réfléchissez aux stéréotypes raciaux et discutez de la manière dont ces stéréotypes peuvent limiter la vie des Autochtones et des personnes racisées. Puis réfléchissez à la manière dont les vies peuvent changer lorsqu’on supprime ces stéréotypes.

Activité à faire avec les enfants

Des messages antiracistes clairs et cohérents destinés aux enfants peuvent aider à désapprendre le racisme intériorisé et à y résister. Les familles peuvent utiliser les affirmations de plusieurs manières dans leur travail de lutte contre le racisme. Par exemple :

  1. Concevez une affirmation familiale et enseignez-la à vos enfants. Encouragez-les à la répéter après vous comme un rituel avant de sortir pour aller à l’école ou comme une pratique de fin de journée avant le coucher.
  2. Si votre enfant exprime une forme de racisme intériorisé, concevez une affirmation qui remettra directement en cause cette pensée. Par exemple, si un enfant dit : « Je n’aime pas mes cheveux », une affirmation simple pour contrer cette pensée peut être : « Mes cheveux sont beaux. J’aime la créativité que je peux avoir avec mes cheveux. » Vous pouvez décider d’élaborer une activité artistique basée sur cette affirmation comme la réalisation d’une affiche que l’enfant pourra placer à côté du miroir dans lequel il se voit tous les jours (vous pouvez aussi utiliser un marqueur pour tableau blanc pour simplement écrire l’affirmation sur un miroir).
  3. Avec les enfants plus âgés, il est possible d’avoir une conversation plus poussée sur les difficultés auxquelles ils se heurtent et les paroles d’affirmation qui pourraient leur permettre de les surmonter. Cette activité peut déboucher sur la création d’un projet artistique, comme un jeu des affirmations, l’écriture de leurs affirmations à la craie de trottoir ou un projet vidéo dans lequel ils s’enregistrent en train de prononcer leurs affirmations à voix haute.

Engagement de groupe

L’une des façons de continuer à résister au racisme intériorisé et de comprendre les formes qu’il peut prendre dans la vie des gens de manière très intime et importante consiste à se rapprocher des artistes autochtones et racisés dont le travail promeut l’amour de soi et la célébration de leurs identités et de leur culture, et à rendre hommage à ces artistes. Nous avons la chance d’avoir de nombreux exemples de personnes dans la culture pop actuelle qui, par leurs propres expressions de l’amour de soi, apprennent aux autres, en fait, à résister à l’oppression intériorisée. Parmi mes artistes favoris, je citerais Lizzo (en particulier sa chanson Soulmate) et Janelle Monae (et sa chanson Q.U.E.E.N.). Résister au racisme intériorisé, c’est aussi s’entourer de médias sociaux qui mettent en valeur les réussites des Autochtones et des personnes racisées, et qui racontent des histoires de manière antiraciste. Par exemple, lorsque la gymnaste américaine Simone Biles a décidé de se retirer de certaines parties de la compétition de gymnastique des Jeux olympiques d’été de 2021, les réactions dans les médias ont été nombreuses et très arrêtées. Avez-vous remarqué quels genres d’histoires ont été racontés à propos de Biles? S’agissait-il d’histoires qui affirmaient son autonomie, célébraient son désir d’écouter son corps et respectaient sa décision, ou non?

Promotion et défense des droits

Quels types de messages verbaux ou de non-dits peuvent être adressés aux personnes autochtones et aux autres personnes racisées? Prenez l’engagement d’écouter ces messages systémiques et personnels.

Comment pouvez-vous offrir/recevoir la guérison et la liberté?

Alcris Limongi est arrivée du Venezuela au Canada en 1996. Les expériences qu’elle a vécues dans différents contextes en tant qu’autre racial ainsi que les possibilités du monde universitaire l’ont guidée dans son apprentissage du racisme et de l’antiracisme. Elle s’est jointe à l’Église unie du Canada vers 1997 et a occupé différents postes au Conseil général, en tant que bénévole et en tant que pasteure. Elle fait partie de la Table commune antiracisme et est animatrice d’une formation sur la justice raciale.

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