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Réflexion sur les expériences d’internement de ma famille

Michiko Bown-Kai

Michiko Bown-Kai

Apprentissage

L’une des expériences formatrices qui m’a permis de comprendre mon identité canado-japonaise et les effets du racisme a été de découvrir l’expérience d’internement que ma famille a vécue dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale. À la suite de l’attaque du Japon contre Pearl Harbour le 7 décembre 1941, toutes les personnes d’origine japonaise qui vivaient sur la côte ouest de la Colombie-Britannique ont été envoyées dans des camps de travail, des camps d’internement ou des fermes pour la durée de la guerre.

La famille de ma grand-mère a été contrainte de quitter Vancouver pour se rendre à Kaslo, en Colombie-Britannique, une ville minière abandonnée, dans l’intérieur de la province. Lorsque j’ai demandé à ma bachan (ma grand-mère) ce que c’était de vivre avec toute une famille dans une petite cabane construite à la hâte, elle a répondu : « C’était bien. Nous avions l’eau courante et des salles de bain. » Comme il y a eu une période où des Canadiens japonais ont été internés dans des écuries à Hastings Park, elle savait que de nombreuses familles avaient subi l’horreur d’être séparées et de vivre dans des lieux surpeuplés et insalubres.

Je me souviens d’avoir lu en classe les paragraphes d’une page du manuel consacrée à l’internement des Canadiens d’origine japonaise. Ce n’est assurément pas ce qui m’a permis de comprendre l’injustice profonde infligée à ma famille.

J’ai entendu parler de l’internement des Canadiens japonais dans mon cours d’histoire de 10année, mais beaucoup de gens ne connaissaient pas cet événement.

Je pense que j’ai eu de la chance d’avoir une bachan qui était disposée à raconter certaines parties de son expérience. J’ai conscience que, pour de nombreux Canadiens japonais, il est très difficile d’en parler en raison de la honte et de la douleur causées par l’expérience de l’internement. À mesure que j’en apprends davantage sur les traumatismes intergénérationnels, je comprends de quelles façons des événements traumatiques ne sont pas uniquement des histoires du passé. Ce que je suis, la manière dont ma famille a été touchée, reflète la manière dont ma bachan et mon jichan (grand-père) ont emporté leurs expériences avec eux après avoir quitté les camps. Les actes de violence raciste ne sont pas seulement des moments singuliers. Ils transforment notre identité et restent en nous telle une présence obsédante. Cette présence obsédante est quelque chose que je découvre encore en continuant à en apprendre davantage sur l’internement des Japonais auprès de sources extérieures à mon cercle familial.

Lorsque toutes les personnes d’origine japonaise (y compris celles nées au Canada) ont été évacuées, on leur a dit qu’elles ne pouvaient prendre avec elles que ce qu’elles pouvaient porter, c’est-à-dire, souvent, deux valises par personne. Lorsqu’elles sont parties vers les camps, leurs maisons ont été pillées et revendues par d’autres, sans aucune compensation. Je regrette que beaucoup aient été contraintes de laisser derrière elles des objets qui avaient une importance culturelle et ancestrale.

Dans ma propre famille, mon arrière-grand-mère a dû laisser un koto, un instrument de musique à cordes. Je me demande s’il a été jeté négligemment lorsque les gens ont pris possession de la maison de ma famille. Il y a quelques années, j’ai croisé une artiste de rue blanche qui jouait du koto. Elle m’a dit qu’elle avait commencé à en jouer parce qu’elle l’avait trouvé chez un prêteur sur gages. Alors, j’ai pensé à toutes les manières dont le déplacement et la perte ont pu l’amener à se retrouver en possession aujourd’hui de cet instrument. Serait-ce ce qui s’est produit avec le koto de ma famille?

Tandis que je poursuis le travail qui consiste à faire connaître un événement que la culture canadienne dominante préférerait oublier ou effacer, une histoire qui peut disparaître dans les silences causés par la honte et la peur de souffrir davantage, j’y puise de l’espoir en sachant que ce travail m’aide à me relier à mes ancêtres. La sagesse que j’acquiers en le faisant est un cadeau que je peux transmettre aux générations suivantes.

Réflexion sur la foi

Mon père, David Kai, un pasteur retraité de l’Église Unie du Canada, a composé le cantique Our God Goes With Us [Notre Dieu nous accompagne] pour rendre hommage à l’histoire de l’ancienne Centennial-Japanese United Church (sa paroisse d’origine) et ses espoirs pour l’avenir.

Mon père nous a fait part des réflexions suivantes au sujet du cantique : « Le refrain est une affirmation que, peu importe où nous allons et ce que l’avenir nous réserve, nous ne devons pas avoir peur, car Dieu nous accompagne. Tout comme la présence de Dieu, symbolisée par l’Arche d’Alliance, a suivi le peuple d’Israël durant ses années d’errance dans le désert, Dieu marche avec nous. »

Mon père a nommé la mélodie du cantique « LEMON CREEK ». Il a l’habitude de donner aux mélodies qu’il compose les noms des camps et des villes fantômes où les Canadiens d’origine japonaise ont été internés afin que ces noms et ces lieux ne soient pas oubliés.

OUR GOD GOES WITH US (version en français ci-dessous)

Chorus :

Our God goes with us wherever we may roam,

Our God goes with us, makes each new place our home,

As God goes with us we live by faith, not fear,

Thanks be to God, ever ‘fore us, ever near.

The Spirit moved, blew boats across the sea,

brooded in hearts that struggled to be free,

New life, new faith, new challenges to dare,

through blood, sweat, toil, bitter tears, our God was there. (Chorus)

The Spirit wept as hatred’s flames were fanned,

as trains of tears streamed from the promised land,

In lonely mountain paths our God was found,

Faith, hope and love making ghost towns holy ground. (Chorus)

The Spirit urged, go forth and start anew,

rebuild my church, a sanctuary true,

Welcomed by friends, their paths entwined as one,

stronger united with ev’ry rising sun. (Chorus)

The Spirit leads; the future, still unknown,

is not to fear, we trust in God alone,

Be with us still as we move on again,

strengthen, inspire us, our Saviour and our Friend. (Chorus)

Paroles et musique de David Kai © 2005. Mélodie : LEMON CREEK

 

TRADUCTION ADAPTÉE (NON OFFICIELLE)

NOTRE DIEU NOUS ACCOMPAGNE

Refrain :

Notre Dieu nous accompagne où que nous allions,

Notre Dieu nous accompagne et fait de chaque nouveau lieu notre maison,

Comme Dieu nous accompagne, nous vivons par la foi, non par la peur,

Merci à Dieu, toujours devant nous, toujours proche.

L’Esprit s’est manifesté, a poussé de son souffle les bateaux sur la mer,

Couvant dans les cœurs qui luttaient pour être libres,

Une nouvelle vie, une nouvelle foi, de nouvelles épreuves à surmonter,

Au prix du sang, de la sueur, du labeur, des larmes amères, notre Dieu était là. (Refrain)

L’Esprit a pleuré alors que les flammes de la haine étaient attisées,

Alors que des flots de larmes ruisselaient sur la terre promise,

Sur les sentiers solitaires des montagnes, notre Dieu a été trouvé,

La foi, l’espoir et l’amour font des villes fantômes une terre sainte. (Chorus)

L’Esprit nous a poussés à aller de l’avant et à tout recommencer,

À reconstruire ma paroisse, véritable sanctuaire,

Accueillis par des amis, leurs chemins se sont entrelacés pour n’en former qu’un seul,

Plus fort, uni à chaque soleil levant. (Chorus)

L’Esprit dirige; le futur, encore inconnu,

n’est pas à craindre, nous avons confiance en Dieu seul,

Sois avec nous tandis que nous marchons encore,

Fortifie-nous, inspire-nous, notre Sauveur et notre Ami. (Refrain)

 

Vous pouvez écouter l’hymne dans cette vidéo (en anglais), qui contient également des photos de notre famille et de la communauté canado-japonaise de l’Église Unie.

Activités à faire avec les enfants

J’éprouve beaucoup de reconnaissance envers les survivantes et les survivants des camps d’internement qui ont raconté leur histoire. En grandissant, j’ai appris ce qu’était l’internement grâce aux récits de ma bachan et grâce aux livres sur le sujet, destinés aux enfants. Voici quelques ressources pour orienter et approfondir la discussion avec les personnes de tous âges :

  • Naomi’s Tree, de Joy Kogawa
  • On Being Yukiko, de Jeff Chiba Stearns
  • Take What You Can Carry, de Kevin C. Pyle
  • Displacement, de Kiku Hughes
  • Obasan, de Joy Kogawa

Apprendre l’art japonais du pliage de papier ou origami est une autre activité que l’on peut faire en famille. Prenez le temps de découvrir l’histoire de Sadako Sasaki, une survivante du bombardement atomique de Hiroshima, et les raisons pour lesquelles la grue en papier est devenue un symbole international de la paix.

Engagement de groupe

Engagez-vous à vous renseigner davantage sur l’histoire du Canada pendant la Seconde Guerre mondiale, en particulier, sur les expériences qui remettent en question le récit selon lequel le Canada serait un pays pacificateur. Beaucoup de familles canadiennes sont reliées à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale parce qu’ils ont des parents ayant servi dans les forces armées. Que signifie respecter et honorer les décisions prises et les sacrifices consentis par le passé par les membres de notre famille tout en acceptant d’examiner d’un œil critique les échecs de notre pays?

Chercher à connaître l’expérience vécue par ma famille au moment de l’internement de la communauté japonaise m’amène à m’interroger sur la nécessité pour chacun d’entre nous d’en savoir plus sur nos histoires.

Connaître l’histoire de sa famille peut être un excellent moyen de mieux comprendre en quoi la blancheur est une construction sociale et de créer un sentiment de plus grande proximité lorsque nous nous engageons dans l’action en faveur de l’antiracisme. Par exemple, le fait de savoir comment mon grand-père, originaire de Terre-Neuve, a vécu les conflits entre catholiques et protestants pendant son enfance m’a fait prendre conscience de la manière dont les préjugés peuvent traverser les océans.

Je tiens aussi à reconnaître que, surtout pour certaines personnes de couleur, les histoires familiales se sont perdues à cause de la violence des déplacements, de l’esclavage et d’autres actes de violence coloniale.

Défense et promotion des droits

Ces dernières années, les Américains d’origine japonaise ayant vécu une expérience analogue à celle de l’internement pendant la Seconde Guerre mondiale ont été horrifiés de découvrir que les bâtiments ayant servi autrefois à l’internement de leur communauté servaient comme lieux de détention pour les enfants immigrés. En signe de solidarité, des membres de la communauté des États-Unis se sont réunis pour lancer Tsuru For Solidarity (en anglais), un projet ayant pour but la fermeture de ces lieux de détention. Les personnes engagées dans le projet soutiennent les familles immigrées et réfugiées visées par les politiques d’immigration racistes.

En tant que personne canadienne, j’ai conscience que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a participé aux processus d’évacuation et d’internement de ma famille. Lorsque je vois comment la GRC est utilisée aujourd’hui pour s’en prendre violemment aux peuples autochtones, en particulier aux défenseuses et aux défenseurs des droits à la terre, je comprends très bien le manque de confiance et la colère ressentis à l’égard d’un gouvernement qui montre, par ses manières d’agir, qu’il n’est pas nécessairement au service de l’intérêt supérieur de toutes et de tous, et qu’il ne protège pas tout le monde.

Si nous voulons tirer les leçons de l’histoire, nous devons être prêts à démanteler les systèmes qui ont contribué à l’internement de ma famille et continuent aujourd’hui de causer du tort. Comment pourriez-vous participer à un mouvement de solidarité pour la justice raciale tel que Tsuru for Solidarity?

Michiko Bown-Kai (ielle) est une personne canadienne japonaise métisse de quatrième génération (yonsei) qui se passionne pour les recoupements entre la foi, la justice sociale et les arts. Ielle exerce actuellement un ministère paroissial à Saint Luke’s United Church à Cambridge, en Ontario (territoire visé par un traité des Anichinabés, des Haudenosaunee et des Attiwonderionk, bande de terre accordée par la Proclamation de Haldimand).

 

 

 

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