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Histoire d’un caillou

| CHRONIQUE | LES CUEILLETTES DE JEAN|

| Par Jean Loignon |

 

Jean Loignon nous offre un récit sur le thème de la pierre rejetée devenue angulaire.

À partir du Ps 118, 22 et de 1 Pi 2, 6-7

Narrateur

Il était une fois un caillou sur le bord d’un chemin; un caillou ni gros ni petit, d’une couleur grise tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Et personne ne le remarquait. Parfois même, on marchait dessus ou on le poussait du pied et il devait rouler un peu plus loin. C’était une existence bien morne que cette vie de caillou.

Pourtant le caillou pensait et rêvait; il aurait voulu un autre sort que le sien, mais il ne savait pas quoi faire pour changer son existence. Les jours passaient semblables les uns aux autres et le caillou était triste.

Un jour, un voyageur qui parcourait le pays s’arrêta pour se reposer sur le bord du chemin. Soudain, il aperçut le caillou qui le regardait timidement.

Le voyageur :

Que fais-tu ici, petit caillou?

Le caillou :

Pas grand-chose… Je regarde passer les gens, personne ne s’intéresse à moi et je reste dans mon trou.

Le voyageur :

Cela te dirait de devenir une pierre dans une grande construction?

Le caillou pouffa de rire :

Comment ce serait possible? Je ne suis qu’un petit caillou de rien du tout!

Le voyageur :

Je suis un bâtisseur et j’ai un chantier en cours. Viens avec moi et je te montrerai de grandes choses.

Le narrateur :

Le caillou se dit que cela le changerait de son existence vide et ennuyeuse et que de toute façon, il n’avait pas grand-chose à perdre. Il se mit en route aux côtés du voyageur. Chemin faisant, le voyageur montra au caillou les rochers des montagnes, la pierraille des éboulis, le sable des plages, l’argile et le granit, le calcaire blanc et la lave noire. Et ils passaient devant des maisons, des châteaux, des tours, ils longeaient des murs et empruntaient des ponts.

À force, le caillou osa poser la question qui le démangeait depuis le début.

Quelle sorte de construction es-tu en train de bâtir?

Le voyageur garda longtemps le silence, les yeux au loin, comme s’il voyait déjà son projet réalisé; puis il dit lentement :

Je bâtis avec toutes les pierres du monde la maison du rassemblement et je l’appellerai « Église » ou si tu préfères « assemblée ». Je mets ensemble la grosse pierre et la petite, celle qui est lourde et celle qui est légère, la solide et la fragile, celle qui sonne clair quand on marche dessus, celle qui rend un bruit sourd quand on cogne dessus… Certaines seront en haut, certaines seront en bas, mais toutes seront dans l’église. La voûte de l’Église racontera le ciel et ses portes seront ouvertes sur le monde.

Le petit caillou tout joyeux s’écria :

Je veux en être! Tu es le maître du chantier, j’irai où tu voudras me placer!

Le voyageur :

Veux-tu être là-haut sur la flèche du clocher?

Le caillou :

Oh non, j’aurai trop peur, j’aurai le vertige…

Le voyageur :

Veux-tu être sur le seuil de la porte?

Le caillou :

On va encore me marcher dessus…

Le voyageur un peu agacé :

Nous verrons bien…

Ils arrivèrent bientôt sur le chantier où se bâtissait l’église. Les fondations étaient déjà faites et on commençait à monter les murs. Des dizaines d’ouvriers travaillaient, certains taillant des pierres, d’autres les hissant sur les murs, d’autres les ajustant avec régularité. Autour d’eux, il y avait des tas de pierres, bien rangées : des petites, des grosses, des carrées, des courbes, des grises, des blanches, des brunes… le petit caillou était impressionné et il se demandait à quoi il pourrait bien servir dans cette construction où tout semblait prévu sans lui.

Plusieurs jours après, il accompagnait le maître du chantier dans sa tournée des travaux quand il entendit un grand fracas et vit s’élever un nuage de poussière. Une voûte en cours d’assemblage venait de s’effondrer et les ouvriers se désolaient, car ce n’était pas le premier échec. Normalement, les pierres devaient s’ajuster et tenir ensemble sans ciment ni mortier en formant un demi-cercle. Et il y en avait toujours une qui glissait, entraînant la chute des autres.

Appelé par les ouvriers, le maître du chantier réfléchit longuement puis leur dit : recommencez à disposer les pierres en voûte. Puis il se tourna vers le petit caillou. Tu es toujours prêt à servir dans la construction de l’église?

Le petit caillou voyait bien le problème de la voûte, mais pas du tout comment il pourrait contribuer à le résoudre.

Laisse-toi faire, lui dit le maître, je vais avoir besoin de toi.

Les pierres de la voûte furent réassemblées et quand on retira le coffrage de bois qui les soutenait, le maître prit le petit caillou et le glissa prestement entre les deux pierres qui glissaient toujours. Le petit caillou les cala et les pierres de la voûte restèrent immobiles, à jamais solidaires entre elles.

Merci, petit caillou, grâce à toi, cela tient et nous pourrons continuer.

On put ainsi commencer le toit et bientôt l’Église accueillait les hommes et les femmes du pays. Ils y trouvaient un lieu de paix et de fraternité, où chacun avait sa place, les petits cailloux comme les grosses pierres.

Amen

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