Luc Noubissi partage une réflexion sur la migration forcée, l’exil moderne, et l’espérance inattendue trouvée dans le football. Dans le cadre de la série « 40 jours d’action dans la lutte contre le racisme »
De l’exode à l’espérance. Pourquoi nous partons et ce que le football nous enseigne
Transcription:
Je viens du Cameroun — un pays plein de vie, de talents, de culture et de foi. Et pourtant, comme tant d’autres, j’ai dû partir. Pas parce que je le voulais, mais parce que rester était devenu insupportable.
Aujourd’hui, des milliers d’Africains — surtout des jeunes — quittent leur terre natale. Des décennies de mauvaise gouvernance, de conflits, de violence, de guerre partout, aucun renouveau politique, pas de justice, aucun réel avenir. Ce n’est pas juste de la migration. C’est de l’exil. Une forme moderne d’esclavage.
On ne met plus les gens en chaînes sur des bateaux, mais ils quittent quand même tout derrière eux — poussés par le désespoir. L’Afrique se vide de ses esprits les plus brillants, pendant que l’Occident profite de leur travail. L’histoire se répète, sous un autre masque.
Et pourtant — des signes d’espérance émergent. Pour moi, l’un d’eux, c’est le football. Je suis passionné, joueur, entraîneur. Je crois que le sport — en particulier le foot — peut être un outil puissant d’inclusion, d’émancipation et de réconciliation.
À l’approche de la Coupe du Monde 2026, un contraste me frappe : l’équipe du Maroc — une équipe africaine — composée majoritairement de joueurs à la peau claire. La France, les États-Unis et le Canada — des pays occidentaux — sont emmenés par des joueurs noirs, souvent enfants d’immigrés. Le terrain raconte une autre histoire que les gros titres.
C’est une image saisissante. Malgré les stéréotypes persistants, le jeu révèle l’excellence noire — calme, puissante, incontournable. C’est plus que du sport. C’est une restauration silencieuse. Un signe prophétique de fierté et de possibilité.
Et je crois que l’Église — le corps du Christ — ne peut rester silencieuse. Elle doit parler, dénoncer l’injustice, et marcher aux côtés de ceux qui souffrent. Pas seulement par compassion, mais par engagement.
Il est temps de reconnaître les fautes du passé, de guérir les blessures du présent, et de construire un avenir fondé sur la justice et la réconciliation. Je rêve d’un monde où personne n’a besoin de fuir juste pour vivre avec dignité.
Et je crois que ce rêve peut devenir réalité — si nous choisissons, ensemble, de le rendre possible.
Prière pour la justice globale
Dieu de la mémoire, Roi des rois,
Tu entends le cri du sang versé,
Tu vois les chaînes devenues lois,
Tu connais les marchés où l’homme fut monnayé.
Nous venons à toi, le cœur chargé,
Non pour pleurer seulement,
Mais pour que l’esclavage soit brisé
Et que la justice jaillisse maintenant.
Car le racisme n’a pas de frontière :
Il change de masque, il change d’ère.
Dans les banques, les traités, les guerres,
Il tue à distance, il ravage nos terres.
Ce n’est plus la chaîne au poignet,
Mais des mines vendues à vil prix, des passeports refusés.
Ce n’est plus le fouet qui claque,
Mais l’aide conditionnée, la famine qui traque.
Et l’Église…
Parfois muette, parfois complice.
Elle a béni les conquêtes et les croix dans les cales,
Elle s’est tue, alors que le mal montait en rafale.
Seigneur, brise ce silence, réveille ses offices.
Nous prions pour l’Afrique debout,
Non comme mendiante aux pieds des puissants,
Mais comme une mère au cœur ardent,
Qui réclame ses fils, son pain, son temps.
Délivre-nous du racisme sophistiqué,
Celui qui gouverne sans jamais aimer.
Celui qui, sous des mots de progrès,
Cache la volonté de nous effacer.
Éclaire nos luttes d’une lumière de vérité,
Fais tomber les masques, même dans les lieux sacrés.
Et que le Christ, Sauveur et Libérateur,
Vienne troubler l’ordre des oppresseurs.
Nous serons vainqueurs, Seigneur, nous serons vainqueurs,
Car ta justice est un fleuve, et non un mirage,
Car ta paix n’est pas un luxe,
Mais l’héritage promis à tous tes enfants, de tous les âges.
Amen.