9 juin 2024
100e anniversaire – Culte de lancement de l’année du centenaire
© La pasteure Carmen Lansdowne, Ph. D.
Metropolitan United Church
Toronto (Ontario)
Depuis quelques mois, j’ai pris l’habitude de décrire mon apparence physique, ainsi que mon habillement, alors que je m’apprête à prêcher ou à parler en public. Laissez-moi vous expliquer comment j’en suis arrivée à prendre cette décision.
Pour une Église qui a choisi d’être interculturelle, apprendre à vivre en communauté veut aussi dire apprendre à s’adapter, à accepter le changement et à se laisser transformer par la présence de celles et ceux qui ne sont pas comme moi. L’année passée, j’ai moi-même été interpellée et transformée par la théologienne Anne Kinney, que de nombreuses personnes connaissent au sein de l’Église en raison de son livre : My Body is Not a Prayer Request: Disability Justice in the Church. En 2023, lors de la conférence Evolving Faith à Minneapolis, j’ai eu l’honneur de prendre la parole aux côtés d’Anne. Elle a alors décrit comment elle était habillée, ainsi que son apparence physique, afin de permettre une expérience de rassemblement en Église beaucoup plus intégrale aux personnes non voyantes ou avec une déficience visuelle.
Donc voilà, je mesure environ 5 pieds et 9 pouces, bien que j’aie déjà mesuré 5 pieds et 10 pouces. J’ai dû perdre un pouce à cause des nombreuses heures passées à mon bureau pendant ma vie adulte. Mes cheveux sont bruns et je les porte à hauteur d’oreille. J’avoue qu’ils sont de plus en plus gris. Mes cheveux sont lisses et ma coiffure est asymétrique. Je porte des lunettes épaisses de forme carrée, et avec mon entourage de l’Église j’essaie de déterminer si elles sont mauves, bleues ou quelque part entre les deux.
Je porte une aube que j’ai fait nettoyer à sec spécialement pour aujourd’hui, ainsi qu’une splendide étole fabriquée spécialement pour cette occasion par la magnifique Susie Henderson. Cette étole a comme fonds un tissu rouge vif. Au bas, du côté droit, se trouve le logo de l’Église Unie. Et du côté gauche, au bas également, se retrouve le logo du 100e anniversaire. Du côté droit sont écrits les mots : Deep, Bold, Daring, en jaune vif. Sur le côté gauche se trouvent les mêmes mots, mais en français : profonde, dynamique et audacieuse. Quatre rubans de couleurs sont entortillés le long de l’étole et descendent de l’épaule gauche jusqu’au bas des deux côtés. Trois de ces rubans sont noir, blanc et jaune, les trois couleurs de la roue médicinale. Pour le quatrième ruban, Susie a choisi un tissu qui représente l’héritage lié à la personne qui porte l’étole. Donc, mon quatrième ruban est rouge avec des boutons en forme de coquillages qui sont cousus tout au long de celui-ci. Ce dernier ruban représente les couvertures à boutons du peuple Heiltsuk et des autres peuples côtiers de la Colombie-Britannique.
Par ailleurs, lors de la dernière assemblée du Conseil régional Pacific Mountain, le conseil jeunesse a proposé une motion visant à prévoir un budget annuel pour l’achat par la modératrice ou le modérateur de chaussures de couleurs vives et voyantes, et les membres de S’affirmer ensemble ont proposé un amendement selon lequel, pour garantir le bon goût des chaussures choisies, il faudrait que le modèle choisi soit approuvé par une personne ayant un œil queer.
Lorsque j’ai débuté en tant que modératrice, j’avais dit aux jeunes de l’Église que je ferais tout en mon pouvoir pour être présente pour eux. Que tout ce qu’ils me demanderaient, je le ferais dans la mesure du possible. Sachant bien que cette motion et son amendement sont une blague, j’ai tout de même décidé de m’acheter mes propres chaussures « voyantes » de John Fluevog, un concepteur originaire de Vancouver Est qui est en ce moment très en vogue. Ce sont des chaussures Mary Jane à talons bas en cuir verni blanc texturé en peau de crocodile avec des éclaboussures orange et jaunes, des semelles violettes assorties à mes lunettes et une lanière orange ornée d’une boucle orange et violette. Une personne de la communauté de foi qui m’a parrainée pour le ministère m’a informée que toutes les paires de chaussures Fluevog ont une inscription sous les semelles. Donc dès mon arrivée à Toronto, alors que j’arrivais de Saint-Jean à Terre-Neuve, je me suis empressée de sortir mes chaussures du placard pour voir ce qui y était inscrit. J’ai trouvé les mots suivants : « Watching, Listening, Signs, Wonders » [Regard, écoute, signes, émerveillements]. Si ces souliers voyants et dynamiques ne sont pas faits pour une modératrice, je me demande bien quelles chaussures pourront l’être!
Je porte également du rouge à lèvres afin que les personnes malentendantes puissent plus facilement lire sur mes lèvres. Je tiens aussi à spécifier que je lis mon sermon, ce qui permet à celles et ceux qui souhaitent le lire pour s’assurer de tout comprendre d’en obtenir une copie.
[en français dans le texte original] Je parlerai principalement en anglais et j’intégrerai un petit peu de français. Je crois que nous prévoyons une traduction de mon homélie en français. [retour à l’anglais dans le texte original] Dans cette optique, il serait aussi possible d’offrir une traduction dans d’autres langues si des personnes en manifestaient le désir. Cela dit, si vous voulez une copie du texte pour en faire votre propre traduction, n’hésitez pas à le demander et nous pourrons vous le faire parvenir.Je disais donc avoir été transformée par Anne Kinney. En effet, cette manière différente de se présenter les uns et les unes aux autres et ainsi de vivre les uns et les unes pour les autres ne prend que quelques minutes; je sens que je suis une bien meilleure modératrice, prédicatrice et personne quand je commence mes discours de cette façon.
Chers amis et amies, prions ensemble : Dieu, que ces mots que je vais prononcer et les méditations qu’ils susciteront dans nos cœurs soient agréables à tes yeux. Puis-je toujours être consciente de ma responsabilité en prêchant ta Parole et puissions-nous toujours être conscientes et conscients de l’importance d’entendre ta Parole, puisque ta Parole est source de vie abondante.
Nous croyons au seul Dieu vivant et vrai, Esprit infini, éternel et immuable, dans son Être divin et ses perfections ; le Seigneur Tout-Puissant qui est amour, juste dans toutes ses voies, glorieux de sainteté, insondable dans sa sagesse, riche en miséricorde, plein de compassion et rempli de bonté et de vérité. Nous rendons un culte à [l’Être divin] dans l’unité de la divinité et le mystère de la Sainte Trinité, [Dieu qui est amour], [le Christ, amour incarné] et le Saint Esprit [la puissance de l’amour], trois personnes de même substance, égales en puissance et en gloire.
Voici les premiers mots de qui figurent dans les Principes de l’Union de l’Église Unie du Canada.
Nous croyons que Dieu a s’est révélé dans la nature, dans l’histoire et dans le cœur de [l’humanité] ; que [Dieu] a daigné se révéler plus distinctement à des [gens] de Dieu qui ont parlé sous l’action du Saint Esprit ; et quand les temps furent accomplis, que [Dieu] s’est parfaitement révélé en Jésus Christ, Parole faite chair, éclat de la gloire [du Divin] et image fidèle de [l’être de Dieu]. Nous recevons les Saintes Écritures des [textes hébreux] et du Nouveau Testament données par inspiration de Dieu comme porteuses de la seule règle infaillible de foi et de vie, un compte rendu fidèle des révélations de la grâce de Dieu et le témoignage irrécusable du Christ.
Nous croyons que, sans que [l’humanité] ne perde [sa] liberté ni que Dieu ne soit l’auteur du péché, le Projet d’amour divin, éternel, sage et saint, embrasse tous les événements de telle manière que Dieu, dans sa providence, fait concourir toutes choses à l’accomplissement [du plan souverain de l’Être divin] et à la manifestation de [la gloire de Dieu].
L’Église s’inscrit certainement dans le plan de Dieu. Ce plan est élaboré depuis toute éternité par la sainteté, la sagesse et l’amour de Dieu qui englobe toutes choses. Nous pouvons donc dire que notre Dieu saint, ou mieux, que les trois personnes divines sont présentes avec nous, aujourd’hui et depuis toute éternité. Elles sont donc ici et maintenant alors que nous sommes réunis tout comme les confessions, les communautés de foi, les consistoires et les conseils des 99 dernières années, pour ensemble recenser les semences que nous avons plantées tout au long de notre histoire.
[en français dans le texte original] L’Église est une communauté de personnes possédant des dons variés, unies par le Saint-Esprit. Nous sommes assemblés pour célébrer la présence de Dieu, pour discerner la vérité de Dieu, et pour marcher sur le chemin de Jésus. Par notre baptême, nous devenons membres de l’Église du Christ. Nous vivons cette appartenance au sein d’une confession chrétienne à laquelle nous appartenons. Pour nous, il s’agit de l’Église Unie du Canada.[1] [retour à l’anglais dans le texte original]
En 1910, Samuel Dwight Chown est devenu le surintendant général de l’Église méthodiste du Canada. Pilier du mouvement de l’Évangile social et partisan de l’union des Églises, il a plus tard été reconnu comme étant « l’architecte de l’union de notre Église. » Le professeur et pasteur Don Schweitzer ainsi que la professeure et pasteure HyeRan Kim-Cragg ont rédigé un ouvrage d’une grande richesse sur l’histoire des 100 premières années de prédication au sein de l’Église Unie du Canada. Cet ouvrage sera publié sous peu. J’ai eu la chance de le lire avant sa parution, puisque j’en ai rédigé la préface (être modératrice apporte son lot d’avantages!). Le livre comprend un sermon prêché par Chown en 1912, alors qu’il s’adressait à une assemblée méthodiste. En lisant ce sermon, je me suis fait la réflexion que je pourrais le reprendre et le prêcher presque intégralement, en ne changeant que quelques détails, et son propos résonnerait encore aujourd’hui avec la même acuité concernant les temps qui changent et les changements que nous vivons.
Ayant commencé mon sermon avec les trois premiers articles de notre déclaration de foi, je voulais vous présenter un extrait de ce sermon qui revêt une importance capitale.
Chown a écrit ce qui suit :
[traduction] « Lors de la première rencontre du Comité pour l’union des Églises, j’ai proposé que nous prenions le temps de nous asseoir ensemble pour discuter et décider de ce que signifie pour chaque partie être l’Église du Christ dans le monde. Ensuite, il nous faudra décider de ce que nous devons croire pour que l’Église puisse accomplir l’œuvre que lui a confiée par Dieu. Il sera aussi essentiel que toutes les autres questions qui se poseront soient soumises à l’examen des fidèles, pour qu’ils puissent en décider eux-mêmes dans le cadre du plein exercice de leur liberté individuelle. J’ai toujours la ferme conviction que nous devons tendre vers cet idéal. L’idée a semblé plaire au Comité pendant un moment, mais rapidement le vieil instinct doctrinaire s’est affirmé, et mes estimés collègues ont déployé toute la science dont ils étaient capables pour formuler une profession de foi à leurs yeux digne de ce nom. Je suis resté à l’écart et j’ai observé avec admiration leur grande habileté, mais le résultat de ce travail de haut vol n’a pourtant suscité en moi que peu d’intérêt. La théologie de base de l’union n’a jamais été une source de désaccord important entre les membres du Comité. Ce sont les questions administratives qui ont posé les problèmes les plus épineux… Nous sommes ainsi arrivés à la formulation d’une bonne profession de foi, malléable à souhait, plutôt conservatrice dans l’esprit, mais qui prise comme un tout n’emportait l’adhésion d’aucun des membres du Comité, parce que si chacun des articles qui la compose a été individuellement approuvé par une majorité de votes, aucun membre du comité n’a voté en faveur de la totalité des articles. Notre profession de foi peut par ailleurs donner lieu à autant d’interprétations qu’il y a de personnes susceptibles d’y adhérer, ce qui en soi est une situation des plus heureuses, car elle correspond à l’intention originelle de toute profession de foi, qui n’est pas de contrôler la foi des individus, mais plutôt de leur permettre d’exprimer leurs convictions sans contrainte. »[2]L’Évangile de ce matin nous dit : « L’heure est venue où [l’enfant] du monde va être élevé en gloire. Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : à moins qu’un grain de blé ne tombe en terre et ne meure, il ne reste qu’un simple grain. Mais s’il meurt, il produit beaucoup de fruits. Celui qui aime sa vie la perd, mais celui qui ne tient pas à sa vie dans ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; ainsi, mon serviteur sera aussi là où je suis. [L’Être divin] honorera la personne qui me sert. » (Jean 12, 23-26, NFC)
N’existe-t-il pas plus magnifique illustration de ces grains de blé tombant dans le sol et mourant pour que pousse leur fruit que ce comité de personnes dévouées, qui dans la foi et le discernement ont rédigé nos articles de foi? Rappelons-nous les paroles du prophète Ésaïe : « Ne pensez plus au passé, ne vous préoccupez plus de ce qui est derrière vous. Car je vais faire du nouveau ; on le voit déjà paraître comme un bourgeon, vous saurez bien le reconnaître. » (Ésaïe 43,18-19, NFC)
Nous sommes ainsi arrivés à la formulation d’une bonne profession de foi […] qui prise comme un tout n’emportait l’adhésion d’aucun des membres du Comité, parce que si chacun des articles qui la compose a été individuellement approuvé par une majorité des votes, aucun membre du comité n’a voté en faveur de la totalité des articles. Notre profession de foi peut par ailleurs donner lieu à autant d’interprétations qu’il y a de personnes susceptibles d’y adhérer, ce qui en soi est une situation des plus heureuses, car elle correspond à l’intention originelle de toute profession de foi, qui n’est pas de contrôler la foi des individus, mais plutôt de leur permettre d’exprimer leurs convictions sans contrainte. [3]
Il est impossible de penser, surtout pas en 1890, en 1910, en 1912 ou même en 1925, que Chown ou toute autre personne ait pu anticiper l’Église telle qu’elle est aujourd’hui, si magnifiquement diversifiée et engagée dans une spiritualité profonde, une vie de disciple dynamique et une quête de justice audacieuse. Il est tout de même remarquable de constater que nos fondateurs avaient prévu et compris qu’il nous faudrait une nouvelle déclaration de foi et que les bases de l’union impliqueraient la possibilité pour chaque génération de produire une nouvelle déclaration de foi, reposant sur de nouvelles bases. C’est d’ailleurs ce que sont notre Déclaration de foi de 1940, notre Confession de foi de 1968 et la déclaration Notre foi chante, adoptée en 2006.
Ensemble, nous sommes porteuses et porteurs d’une foi qui peut avoir autant de significations que de personnes qui y adhèrent. Quelle magnifique tradition avons-nous au sein de notre Église, qui est unie et unifiante!
L’année qui commence sera un temps de commémoration. Un temps de reconnaissance et d’hommage pour tous les legs reçus de nos premiers 100 ans ensemble, en tant qu’Église Unie du Canada. Bien que cet héritage soit en grande partie positif, il faut cependant admettre qu’il comporte une part d’ombre. L’une des choses que j’aime vraiment de notre Église, ce qui me donne la motivation de monter sur cette chaire et sur les chaires de toutes nos paroisses d’un océan à l’autre – en tant que femme, en tant que femme autochtone et en tant que petite-fille d’un survivant des pensionnats autochtones –, ce qui me permet d’avoir la foi au-delà de tout, peut se résumer parfaitement dans cette phrase de l’Évangile de Jean : « Maintenant mon cœur est troublé. Et que dirai-je? “[Être divin], délivre-moi de cette heure”? Mais c’est précisément pour cette heure que je suis venu. [Être divin], donne gloire à ton nom! » (Jean 12,27-28, NFC). Ce n’est pas parce que nos cœurs sont troublés par des événements du passé que nous devons cesser de suivre le Christ, ou cesser de déployer tous les efforts possibles afin d’être l’Église en communauté chrétienne, ensemble et les uns et les unes pour les autres.
Ce qui me réconforte, c’est de savoir que l’Église n’a jamais vraiment su comment incarner pleinement ou à la perfection la révélation de l’amour de Dieu dans le monde. J’espère que cela vous réconforte aussi. Notre parcours, en tant qu’Église, nous démontre que malgré la grâce de Dieu, mais aussi grâce à elle, notre tendance humaine au péché, à l’oppression et à la domination de l’autre nous empêche d’exprimer à la perfection le dessein divin placé en l’être de la communauté chrétienne. Dieu nous rappelle continuellement : « je vais faire du nouveau ; on le voit déjà paraître comme un bourgeon, vous saurez bien le reconnaître » (Ésaïe 43,19, NFC). Dieu nous demande de mettre de côté nos faiblesses humaines pour faire de la place les uns et les unes aux autres, pour que faire de la place pour l’amour.
Nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir de l’Église Unie, mais je sais que ce ne sera pas parfait. Tout comme les 100 premières années ont été imparfaites. Je sais cependant que tous nos efforts pour accomplir la promesse de Dieu, ainsi que tous nos efforts pour suivre les pas de Jésus, même dans les moments difficiles du quotidien, contribuent tous à la gloire du saint nom de Dieu.
Je vais conclure cette prédication avec une adaptation d’un extrait d’une prière du regretté moine trappiste Thomas Merton :
Nous croyons que notre désir de te plaire te plaît réellement.
Et nous espérons maintenir ce désir dans tout ce que nous faisons.
Nous espérons ne jamais rien faire d’autre que répondre à ce désir.
Nous savons que si nous agissons ainsi, tu nous conduiras sur le juste chemin, même s’il nous est totalement inconnu.
Tu nous appelles, parfois avec insistance, parfois dans un doux murmure, à faire de la place pour l’amour. Qu’il en soit ainsi. Amen.
[1] https://egliseunie.ca/wp-content/uploads/Alliance-et-accueil.pdf page 4
[2] Chown in Schweitzer & Kim-Cragg, Chapter 1, p. 52 in word document pre-publication
[3] Chown in Schweitzer & Kim-Cragg, Chapter 1, p. 52 in word document pre-publication