L'Église Unie du Canada

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RÉTROVISEUR 7 | De l’Alsace aux Prairies canadiennes, la foi pacifiste des mennonites

Menno Simons (1496-1561) © Archives anabaptistes

 

Ce courant protestant minoritaire entendait vivre selon l’éthique du Sermon sur la montagne, ce qui l’amenait à refuser le port des armes.

| par Jean Loignon |

 


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Un courant radical

Courant protestant minoritaire, mais particulièrement résilient, le mennonisme[1] est issu de la Réforme au 16e siècle quand de nouveaux adeptes voulurent aller plus loin dans la rupture avec le christianisme ambiant : refusant tout compromis avec les autorités politiques, ils constituèrent des communautés très soucieuses de leur indépendance. Théologiquement, ils entendaient vivre selon l’éthique du Sermon sur la montagne, ce qui les amenait à refuser le port des armes; en outre, ils n’acceptaient que le baptême des adultes, d’où le surnom d’anabaptiste (« rebaptiseurs ») qui leur fut donné. Autant de raisons qui justifièrent durant des siècles une féroce répression de la part d’un protestantisme installé et majoritaire dans les États allemands, les cantons suisses et les Pays-Bas. Sans renoncer à leurs convictions, les mennonites migrèrent vers le continent américain. Une de leurs branches traditionalistes est bien connue pour son refus des technologies modernes : les amish, dont le mode de vie a été popularisé par le film « Témoin sous surveillance (Witness) » de Peter Weir (1985) et qui sont présentement une source d’inspiration pour certains militants écologistes et un repoussoir pour d’autres.

Le cas alsacien

La France protestante ne fut guère concernée par ce mouvement très minoritaire, à l’exception de l’Alsace, province annexée au 17e siècle, mais restée durablement dans l’orbite germanique. Précisément, des anabaptistes suisses chassés de leur pays furent installés dans des vallées reculées du massif des Vosges, sur des terres appartenant à des seigneurs allemands. Les communautés mennonites purent vivre leur foi à l’écart du monde et leur travail acharné, leur sens de la solidarité permirent la mise en valeur de ces terres jusque là délaissées. Mais en 1793, la jeune République française annexa ces territoires et voulut y appliquer la loi commune, dont le service militaire pour la défense de la Révolution. Sans se démonter, les mennonites signifièrent par lettre aux autorités que leur foi leur interdisait le port des armes. Savaient-ils qu’un refus identique, mais associé à des convictions royalistes et catholiques allait plonger l’Ouest français[2] dans un bain de sang? Interloqué, le gouvernement révolutionnaire parisien envoya un émissaire qui, tout imprégné de la philosophie de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau, tomba sous le charme des communautés mennonites aussi prospères que « tricotées serrées ». À son retour, il persuada Robespierre et Saint-Just de signer un exceptionnel décret exemptant les mennonites du port des armes, moyennant des services d’intendance et de charroi.

Notons que Napoléon Bonaparte et les régimes français suivants ne firent pas preuve de la même largeur de vue et les mennonites vosgiens migrèrent à leur tour vers des terres plus tolérantes outre-mer.

Et au Canada…

Depuis le 18e siècle, le Canada avait accueilli des mennonites, en Ontario et dans les territoires des Prairies (territoires qui, par ailleurs, étaient déjà peuplés d’Autochtones). Dans ces grands espaces qui convenaient à leur volonté d’isolement, ils jouèrent un rôle de pionniers. Particulièrement attachés à l’autonomie de leurs communautés, ils restèrent à l’écart des courants unitaires qui formèrent l’Église Unie du Canada. Si certains demeurent très traditionalistes et proches de leurs frères amish américains, d’autres ont accepté une prudente modernisation et sont très actifs dans le domaine social et humanitaire. Leurs convictions pacifistes sont restées immuables et il est significatif qu’ils aient obtenu une exemption de la Loi sur le service militaire obligatoire en 1917, alors que celle-ci déclencha la première crise de la conscription au Québec, rudement réprimée.

De l’Alsace au Canada, une histoire parallèle, qui nous est donnée par la force tranquille des mennonites…

 

[1]Ce nom vient de Menno Simons (1496-1561), anabaptiste des Pays-Bas qui structura le mouvement; celui d’amish vient de l’Allemand Jacob Amann (1644-1730) qui lui donna son orientation conservatrice, notamment vis-à-vis des techniques.

[2]Les terribles guerres civiles dites « de Vendée » ou « chouannerie » (1793-1800) se déroulèrent bien au delà des limites du département actuel de Vendée.

 

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