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| par Suzanne Grenier |
Durant la pandémie, des pasteures et pasteurs francophones de l’Église Unie se sont relayés pour offrir, six jours par semaine, Une oreille à emprunter à toute personne en besoin.
Quand et pourquoi faire appel à cette ressource, qui est à vrai dire inhabituelle dans les milieux largement laïcisés? On sait en général pour quels motifs consulter un médecin ou un notaire, et très certainement à quel moment appeler un plombier. Mais qu’est-ce que des gens d’Église ont à apporter? « Est-ce qu’on cherchera à me convertir? », se demanderont certains.
« Nous promettons une écoute dans le respect de vos expériences, de vos valeurs et de votre vision du monde, peu importe si vous partagez des croyances religieuses ou non. Dans notre réalité humaine nous vivons une profonde solidarité. » – Une oreille à emprunter
Les pasteures et pasteurs à l’écoute sont guidés par leur foi, c’est clair. L’accompagnement pastoral fait partie de leur formation en théologie et en relation d’aide. Ils et elles pourront mettre des ressources bibliques et spirituelles à la disposition des personnes en crise ou en cheminement. Leurs approches varient, et entrent en jeu des différences culturelles. Cependant, par la qualité de leur écoute, ils et elles souhaitent tous transmettre une bonne nouvelle : « Nous ne sommes pas seuls ».
Un tel message ne se communique pas en exerçant de la pression. Il tend plutôt vers l’acceptation inconditionnelle de la personne, telle qu’elle est et où qu’elle soit.
Darla Sloan est pasteure de l’Église Unie Saint-Pierre et Pinguet et a travaillé en milieu carcéral. Elle explique : « On témoigne du fait que Dieu est Celui qui écoute, qui nous accompagne même dans les vallées les plus obscures. Tous les mouvements Anonymes partent de ce principe… la personne qui est la mieux placée pour nous aider est celle qui est passée par là avant nous. Dans la tradition chrétienne, on affirme que celui qui est passé par là avant nous n’est nul autre que Jésus, Dieu fait chair. »
Jean Porret, pasteur presbytérien aujourd’hui à la retraite, est membre fondateur de Suicide Action Montréal et a pratiqué pendant plusieurs années l’écoute active auprès des jeunes. Il constate : « Les grands témoins de la foi ont un jour ou l’autre passé par une crise de vie, y compris la dépression. Mais c’est un passage, et non un état. »
Cette nuance, le pasteur Kofi Akoussah, de l’Église Unie Saint-Marc, une communauté majoritairement africaine réunie à Ottawa, la retient également : « La guérison dans la Bible et dans le Nouveau Testament surtout est signe de la toute-puissance de Dieu, de sa Parole et aussi du salut apporté par Jésus-Christ. La guérison peut être comprise aussi comme la transformation de l’homme. » Au cours de ses études de maîtrise en théologie, le pasteur Akoussah s’est d’ailleurs intéressé à la complémentarité des approches pastorale et psychologique devant la problématique des troubles mentaux, en Afrique.
À travers les étapes de la vie
« À chaque étape de la vie, y compris dans un contexte de crise comme l’actuelle pandémie, nous avons besoin de faire le point, de nous resituer », soutient Jean Porret. Il signale les dimensions de la personne que l’écoute active peut alors aider à explorer, éventuellement en lien avec la foi : « D’abord, il y a les questions qui se rapportent directement au quotidien et les réponses d’adaptation en mode solution. Ensuite il y a le sens caché, les souffrances de notre passé qu’on laisse émerger et qu’on apprend à nommer. Puis il y a la possibilité qu’on envisage de tisser une autre relation qu’avec le moi profond. Et la proposition de Christ n’est-elle pas essentiellement de se mettre en route vers autre chose que nous-même? »
« Mes professeurs ont toujours répété qu’il est absolument essentiel que les pasteurs connaissent les limites de leur champ de compétences », met en garde Darla Sloan. Cette conscience d’une complémentarité au sein des professions est particulièrement bénéfique lorsqu’elle devient mutuelle. Les hôpitaux ont compris il y a longtemps qu’il était important de s’attarder aux besoins spirituels des personnes touchées par la maladie. Il n’est pas certain que cette dimension de l’être humain reçoive l’attention requise dans les réseaux de la santé et des services sociaux actuellement débordés. Ni que ceux-ci soient en mesure d’accompagner des personnes en tenant compte des croyances qui certes parfois leur nuisent, mais souvent les aident à vivre.
Notre monde a-t-il besoin de la bienveillance attentive des pasteures et pasteurs à l’écoute? Fort probablement.