| À PROPOS |
| Par Éric Hébert-Daly |
Éric Hébert-Daly témoigne de son expérience en politique active et du cheminement qui l’a conduit à envisager les enjeux sociaux depuis le registre de la foi.
Il ne s’agit pas à ses yeux de contester la séparation de l’Église et de l’État, mais de comprendre que la clé des possibilités d’une plus grande justice se trouve dans le cœur des valeurs et des croyances des gens.
Il y a une décennie, j’étais impliqué activement dans la politique partisane. Encore aujourd’hui, les campagnes électorales me rendent un peu fébrile.
J’ai passé une bonne partie de mes 17 années en politique à cogner aux portes, à gérer des campagnes, à diriger des activités de financement et à préparer des candidats pour des débats. J’étais convaincu que le meilleur moyen d’en arriver à un monde meilleur était de faire élire des personnes qui prendraient de bonne décisions le moment venu.
Toutefois, mon expérience en politique m’a aussi fait prendre conscience des limites à ce que les élus peuvent réaliser.
Les députés ne vont pas faire avancer des dossiers sans l’appui de la population. S’ils devancent trop l’opinion publique, ils ne resteront pas élus longtemps. Les partis politiques craignent généralement de s’aventurer à promouvoir des mesures qui ne sont pas encore populaires, et ils tendent à se protéger pour conserver les appuis qu’ils ont déjà. D’où les nombreux sondages visant à mieux connaître le sentiment de la population.
Cette prudence est parfois décevante, mais on peut y voir à la fois la force et la faiblesse de la démocratie. N’est-il pas normal de prendre le pouls avant de se lancer à défendre une cause? Il arrive tout de même que certains choisissent d’aller contre la tendance populaire et de faire oeuvre de pionniers. Quelques noms me viennent à l’esprit : Thérèse Casgrain, la première femme cheffe d’un parti politique au Canada; Svend Robinson, le premier député ouvertement gai, qui a en outre provoqué une discussion sur l’aide à mourir avant que cela soit acceptable d’en parler; Pierre Trudeau, qui a établi la Charte des droits et libertés; Tommy Douglas, qui a proposé un système de santé universel malgré les grèves des médecins en Saskatchewan. Toutes ces personnes ont dû subir des réactions négatives, parce que le monde n’était pas encore prêt pour le progrès proposé.
Chaque candidat et chaque candidate, peu importe son orientation partisane, a fort probablement à cœur d’améliorer le monde, d’offrir quelque chose de mieux à la population. Il demeure qu’un projet de société a besoin d’être bien peuplé pour devenir une réalité, même avec d’excellents pionniers.
Ayant constaté que les politiciens ont besoin de voir s’activer un mouvement important avant de s’y mettre eux-mêmes, je me suis orienté vers la direction d’un organisme charitable dans le domaine de la conservation de la nature. Il s’agissait d’une belle occasion d’apprendre à rallier les gens en ayant en vue une cause commune. J’ai beaucoup aimé ce travail, qui m’a permis de participer à des progrès réels. Cela dit, j’ai assez vite constaté qu’il était relativement aisé de mobiliser des personnes déjà sensibilisées à cette cause, mais que pour recruter de nouveaux disciples de l’environnement, il fallait beaucoup plus qu’un bon site Web.
Mais que faut-il donc?
Pour vraiment changer le monde, il faut une conversion personnelle. Il faut aller au cœur des valeurs et des croyances des gens.
La foi forme nos valeurs, elle guide nos actions et elle nous aide à voir plus loin que le bout de notre nez. La foi nous aide à concevoir quelque chose de plus grand que nous et à dépasser nos besoins égoïstes. C’est ce qui m’appelle à servir comme pasteur. J’y vois une manière d’agir un peu comme une sage-femme dans la formation des croyances et des valeurs. J’aide ceux et celles qui le veulent à découvrir comment leurs actions et leurs valeurs sont – ou ne sont pas! – liées. C’est donc un devoir pour moi de toujours être à l’écoute de l’esprit et de me rappeler mes valeurs religieuses pour qu’elles éclairent mes interventions, incluant mon action politique.
C’est clair que nous ne voulons pas collectivement reproduire le carcan religieux du Québec de l’avant-Révolution tranquille : il faut un État laïque pour préserver l’équilibre pluraliste du monde d’aujourd’hui. En même temps, nous ne pouvons pas ignorer que chaque personne élue, et chaque personne qui vote et agit en société, puise quelque part ses valeurs, la foi étant l’un des registres importants où celles-ci peuvent se construire.
Ce n’est pas parce qu’un parti politique nous dit que quelque chose est bon qu’on le croira. Ce n’est pas parce qu’une organisation nous appelle à la mobilisation que nous agirons. Il nous revient, à chacun et à chacune, de sonder ce qui résonne au plus profond de nous, de dégager nos valeurs et de nous assurer que nous les vivons pleinement.
La campagne électorale qui culminera bientôt suscite certains espoirs et beaucoup de cynisme. Nous pouvons saisir ce moment pour faire avancer avec sérénité un projet de société arrimé aux valeurs de notre foi.
PRIÈRE POUR CE TEMPS ÉLECTORAL
Dieu créateur,
En cette période électorale, nous cherchons à devenir partenaires de ta création.
Aide-nous dans notre discernement, dans notre devoir citoyen, dans notre imagination.
Offre-nous une vision de ton royaume qui nous inspire.
Aide-nous à trouver ta volonté au sein des plateformes électorales et des prises de position des personnes qui offrent leurs candidatures.
Rappelle-nous le vécu de ton fils qui a connu la réalité humaine et qui a cherché tout au long de son ministère à transformer notre perspective et nos actions.
Esprit-Saint,
Chuchote ton désir dans les oreilles des gens qui seront élus le 21 octobre. Que toutes les personnes qui nous représentent te représentent aussi.
Aide-nous à naviguer entre nos désaccords. Ouvre nos cœurs pour que nous comprenions les gens qui ne partagent pas nos choix partisans. Offre-nous des ponts de compréhension par lesquels surmonter nos divisions. Rappelle-nous la bonne volonté des personnes élues, quelles que soient leurs formations politiques. Que le résultat soit un gouvernement minoritaire ou majoritaire, encourage le dialogue, le rapprochement et une vision claire et partagée.
Viens en aide aux personnes qui se sont offertes pour exercer la fonction de député, mais qui perdront leurs élections. Donne-leur l’encouragement de continuer à orienter leur vision et leur énergie vers le bien être de notre société.
Dieu de la lumière,
Éclaire nos pas. Éclaire le chemin de justice, de paix et d’amour. Montre-nous les moyens de rendre ton rêve possible. Les gens qui font de la politique méritent de nous entendre plus qu’une fois aux quatre ans. Nous, la population de ce pays, avons la responsabilité de rendre le chemin plus clair et de fournir à nos élus des pistes défrichées, afin de faciliter leurs décisions.
Pour un monde meilleur, nous te prions.
Pour un pays qui démontre le respect auprès des peuples autochtones, nous te prions.
Pour un pays qui utilisera son rôle à l’international pour promouvoir la paix, nous te prions.
Pour un pays qui célébrera sa diversité, nous te prions.
Pour un pays qui ne délaissera pas les gens qui sont marginalisés, nous te prions.
Tu es notre Dieu, nous sommes ton peuple. Nous cherchons à marcher dans ta lumière. Cette semaine, au cours des prochaines années, et toujours.
Amen.