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L’exercice des couvertures : nous mettre dans les mocassins de l’autre

L’exercice des couvertures de Kairos. Photo : Kairos.

| ARTICLES ET REPORTAGES |
| par Daniel Lacasse |

 

Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 recommandait que le Canada rompe « avec les pratiques du passé, ancrées dans les préjugés au sujet des autochtones et de leurs droits, ternies par les négociations avortées et les promesses brisées1 ».

À la suite des recommandations de la Commission, Kairos Canada a développé l’exercice des couvertures en 1997. Cet outil interactif d’une heure fait revivre les moments historiques de la dépossession du territoire, des pensionnats et des tentatives constantes du Canada pour assimiler les peuples autochtones. Elle apporte donc une dimension intellectuelle et affective aux luttes passées et toujours actuelles des Premières Nations.

Les animateurs étalent des couvertures sur le sol, qui représente l’Amérique du Nord, et invitent les participants à jouer le rôle des Autochtones en se déplaçant librement sur les couvertures. En se mettant dans les « mocassins » de l’autre, les participants peuvent réfléchir sur la justice et la compassion. Un cercle de partage qui suit l’activité accueille avec respect tout commentaire ou toute réflexion.

Dans le bassin francophone qu’est le Québec, il existe des communautés autochtones dont la langue première est devenue le français, et pour celles qui ont conservé leur langue d’origine, le français est la langue seconde. Nous y trouvons également l’influence culturelle et religieuse francophone du Québec.

Parmi les événements qui ont marqué le « territoire québécois », citons la crise d’Oka qui a éclaté à l’été 1990. Cette crise a polarisé la société québécoise et a eu des répercussions dans tout le pays. Elle l’a poussé à une prise de conscience de la réalité autochtone, jusqu’alors majoritairement occultée et inconnue.

L’exercice des couvertures aborde les événements marquants de l’histoire de l’île de la Tortue et, tout en conservant les points clés des textes de Kairos, peut s’adapter aux particularités provinciales ou régionales, aux groupes qui y participent et au temps alloué.

La version française correspondant à la version originale anglaise de l’exercice des couvertures a vu le jour il y a moins de deux ans. Par la suite, on a réalisé des versions qui touchent de plus près la réalité autochtone du Québec, comme celle du ROJEP (Réseau œcuménique justice, écologie et paix). Cette version fait appel à divers personnages, dont un Européen, un Canadien et un Québécois, et le déroulement et les textes ont été quelque peu modifiés. Elle fait mention du développement du Nord-du-Québec, ainsi que de la crise d’Oka.

Il existe également une version conçue par un groupe d’étudiants de l’UQAM, intitulée Mitshetuteuat, un mot innu qui signifie « ils sont plusieurs à marcher ensemble2 ».

Ma conjointe et moi avons adapté une version écourtée pour pouvoir y inclure une brève présentation PowerPoint, des commentaires précisant certains faits historiques, un parchemin relatant l’expérience de la résistance de Kanesatake (crise d’Oka), ainsi qu’une vidéo de musique illustrant des enfants autochtones.

Il importe de mentionner aussi qu’il existe une version anglaise propre au territoire de Kanesatake (Oka [Québec]), développée par les gens de cette communauté, qui rapporte des faits touchants et désolants.

Et l’Église Unie?

Il y a 30 ans, le modérateur de l’Église Unie du Canada à l’époque, Robert Smith, s’est adressé aux aînés et aux aînées des Premières Nations pour présenter les excuses de l’Église Unie :

« Quand vous avez partagé votre compréhension du monde, nous avons fait la sourde oreille. Dans notre empressement à vous transmettre la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, nous sommes demeurés insensibles à la richesse de votre spiritualité.

« Nous n’avons pas su dissocier notre culture et nos mœurs occidentales de toute l’ampleur et la profondeur de l’Évangile du Christ.

« Nous vous avons imposé notre civilisation comme condition pour recevoir l’Évangile. »

En réponse à sa présentation, les peuples des Premières Nations du Synode autochtone ont exprimé le souhait « que les excuses ne soient pas un énoncé symbolique, mais bien l’affirmation sincère d’une intention d’agir ». Trente ans plus tard, ils attendent toujours de voir ce que signifient ces excuses3.

Un moment Kairos

Le terme kairos signifie « temps favorable ». C’est donc le bon moment d’utiliser cet outil qu’est l’exercice des couvertures de Kairos pour faire connaître des faits historiques méconnus. C’est l’occasion de voir la vie à travers l’expérience autochtone. C’est le moment de réfléchir à la façon dont nous voulons vivre ensemble. C’est le moment de réclamer justice. L’Église est prête à franchir la prochaine étape de la réparation afin d’accéder à une véritable réconciliation. C’est le moment d’agir pour guérir ensemble.

– Daniel Lacasse est semi-retraité. Avec sa conjointe Francine Lemay, il recherche des occasions de promouvoir l’histoire des Premières Nations de l’île de la Tortue et d’éveiller la conscience de la société dominante sur la réalité méconnue de cette histoire.

 

1 http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100014597/1100100014637

2 https://evemarieblog.wordpress.com/2014/04/11/mitshetuteuat-cercle-de-parole/

3

 

Publié dans Vérité et réconciliation : les Autochtones et l’Église, numéro hors série d’Aujourd’hui Credo, décembre 2017.

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