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Le 14 Juillet, une construction mémorielle entre Histoire et mythe

| RUPTURES ET FILIATIONS | HISTOIRE-GÉOGRAPHIE |

| Par Jean Loignon |


Ce texte fait partie de RUPTURES ET FILIATIONS, la démarche exploratoire entreprise par Aujourd’hui Credo en vue de retracer les migrations des symboles, des valeurs et des attitudes associés aux religions à travers les lignes de fracture du monde actuel.


 

Circuit de fêtes païennes, religieuses et laïques est une série de textes historiquement documentés sur le parcours parfois étonnant des rites et des symboles associés à des fêtes datant souvent d’avant le christianisme et que nous célébrons encore aujourd’hui tantôt en France, tantôt au Québec et aussi dans d’autres régions du monde.

Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. De Launay, le 14 juillet 1789 (œuvre anonyme, vers 1790) et Madeleine fermant le portail pendant que les Iroquois attaquent le fort de Verchères, en 1692 (Charles William Jefferys, 1934).

 

Depuis 1880, le 14 Juillet est la fête nationale de la République française (le nom officiel de la France). Et comme mon pays s’estime à tort ou à raison la patrie des droits de l’homme, il lui plaît de penser que cette fête jouit d’une notoriété mondiale. La Révolution française n’a-t-elle pas changé la face de l’humanité?

Ce jour a été choisi en référence à deux événements, l’un bien connu – la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 –, l’autre tombé dans l’oubli : la Fête de la Fédération le 14 juillet 1790.

Retour sur ces deux événements

En juillet 1789, le Paris populaire est secoué par une agitation inquiète sur fond de misère, mais aussi d’espérance avec la tenue des États généraux à Versailles. Dans toute la ville, on cherche à constituer des milices et à les armer. Des fusils sont trouvés à l’hôpital militaire des Invalides et la rumeur prétend que la Bastille recèle des réserves de poudre.

La Bastille, une ancienne et imposante forteresse dominant l’Est parisien, devenue une prison. Une simple lettre (royale) de cachet pouvait y enfermer quiconque, mais cette pratique était tombée en désuétude à la veille de la Révolution. À dire vrai, en juillet 1789, la Bastille ne comprenait que 7 prisonniers, dont 4 faussaires de droit commun. Une garnison de vétérans plus ou moins valides montait la garde. Au lieu de laisser entrer la foule dans cette forteresse désaffectée, le commandant tergiversa. Une fusillade inutile se déclencha, coûtant la vie à une centaine de personnes. La Bastille se rendit et malgré la promesse solennelle d’une vie sauve, le commandant et plusieurs de ses hommes furent lynchés et leurs têtes brandies au bout d’une pique. Rien de bien glorieux, ni même d’exceptionnel : trois mois auparavant, dans le même quartier de Paris une émeute de la faim contre un patron abusif avait été noyée dans le sang avec des centaines de victimes. People lives didn’t matter

Un an après, la France veut croire à un moment de grâce avec un roi rallié au projet d’une monarchie constitutionnelle réformant à marche forcée le pays. Comme les nouveaux 83 départements se sont dotés de Gardes nationales, le marquis de Lafayette auréolé de son engagement dans la Révolution américaine, propose une grande cérémonie le 14 Juillet 1790 au champ de Mars pour mettre en scène l’unité fédérée de la nation. 150 000 personnes assistent à une cérémonie festive en présence du Roi et on veut bien croire alors que les cocardes bleu, blanc, rouge – les couleurs de Paris entourant celle du roi – illustrent la réconciliation du monarque et de son peuple.

Ce fut une illusion et ce deuxième 14 Juillet quitta rapidement la mémoire collective. En revanche, se constitua autour du premier, malgré sa réalité historique très secondaire, le mythe d’un peuple dressé contre l’absolutisme royal et prenant d’assaut de façon héroïque un des symboles les plus visibles même si désaffecté du despotisme. Le temps passant, le mythe se renforça et supplanta l’Histoire : la IIIe République put choisir cet événement comme symbole de la nation française.

Histoire, mémoire, mythe : nos souvenirs collectifs dépendent de cette combinaison qui s’empare d’événements pour en faire des symboles, fût-ce au détriment de la réalité.

Un exemple québécois? Dans l’histoire de la Nouvelle-France, ce pré-Québec, subsiste la figure de Madeleine de Verchères. En 1692, cette adolescente de 15 ans aurait été l’âme de la résistance d’une petite communauté attaquée par des Iroquois. On raconte que réfugiée dans un fortin de bois, elle tirait aux quatre coins pour laisser croire à de nombreux défenseurs. Elle tint le siège durant huit jours avant que des secours ne parviennent de Montréal et ne délivrent les colons. Madeleine de Verchères, connue, célébrée, statufiée, représente le courage, la ténacité et l’ingéniosité des bâtisseurs-euses de la nation québécoise.

Tant pis si de sagaces historiens comme Marcel Trudel déconstruisent le mythe, pointent des incohérences dans ces « hauts faits », soulignent leur enjolivement par des récits postérieurs successifs et finalement réduisent l’événement à une escarmouche assez banale dans le quotidien dangereux de la Nouvelle-France.

L’examen de nos mémoires collectives prouve que nous avons tous besoin de mythes, car si le mot signifie invention ou mensonge, il garde un autre sens : le récit qui rassemble, mais sans nous dispenser pour autant d’un regard critique.

 

 

 

Une réponse à

  1. Pasteur PAGNE CÉLESTIN says:

    Je suis bien heureux de faire connaissance de l’Eglise Unie. Dans mes visites des dites chrétiens canadiens, je parcours souvent les écrits sur l’Eglise Unie mais pas en profondeur; Canada étant une nation de référence pour moi sur le plan études, religion, culture, humanitaire… C’est depuis quelques jours, que je scrute soigneusement les écrits, et je suis cette « puissante Organisation et belle Œuvre de JÉSUS-CHRIST qu’est votre Église ». En lisant ces notes, l’on se rend compte que votre Église est un grand lieu du savoir, une source d’oeuvres d’histoire qui enrichit celui qui veut se cultiver, qui veut avoir un bagage intellectuel solide. Je dis déjà mes félicitations à l’homme de DIEU Jean Loignon pour cet Article sur  » RUPTURES ET FILIATIONS / HISTOIRE-GEOGRAPHIE ». Merci au Service de Communication de L’Eglise Unie, ». Que Dieu vous soutienne davantage pour rendre heureuses des milliers de personnes qui vous suivent à travers le monde. Merci, Pasteur PAGNE, 2e Pasteur de l’Eglise Évangélique  » Centre Missionnaire des Messagers de DIEU » de Côte d’Ivoire. (Abidjan Cocody).

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