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Expliquer la négritude à mon enfant

Martin Bellerose.

Apprentissage

Mon contexte expérientiel

J’ai récemment reçu une bonne nouvelle! À 52 ans, je vais devenir père pour la première fois. Mon épouse est afro-colombienne, et je suis un Canadien français. Notre enfant sera donc probablement un mélange afro-latino-américano-québécois. J’ai conscience qu’en raison du teint foncé de la peau de cette enfant, de ses cheveux frisés et d’autres caractéristiques physiques, on lui demandera : D’où viens-tu? La réponse Je suis d’ici, je suis Québécoise ne sera peut-être pas suffisante pour satisfaire la curiosité de certaines personnes, qui pourraient renchérir en ajoutant Oui, mais…

La seule pensée de cette séquence interrogative m’attriste et me fâche à la fois. Cette enfant est québécoise, d’origine canadienne-française. Évidemment, si mon épouse avait été blanche, l’identité de notre enfant ne ferait probablement pas l’objet de tels questionnements. C’est parce que cette enfant aura probablement un teint foncé que ces questions surgiront. C’est systémique.

La négritude de Césaire

En y réfléchissant, j’éprouve le désir profond d’enseigner à mon enfant la fierté de sa différence, de son métissage ou meztisaje, de la richesse du brassage de cultures qui formera son identité. Ces différences culturelles, de couleur de peau, d’origine et de langue trouveront leur point d’ancrage en elle.

À propos de la compréhension québécoise de la négritude, Aimé Césaire a écrit « que les Québécois ont compris que la négritude n’est pas une affaire de peau et de couleur. » Un jour, ma fille découvrira que c’est à son grand-père blanc d’origine canadienne-française qu’on a dit speak White (parle en anglais) au travail. Elle apprendra aussi que son deuxième nom de famille est celui du maître espagnol de ses ancêtres, réduits en esclavage. Elle prendra alors conscience qu’elle a hérité la négritude de ses deux parents.

De manière rétroactive, je vivrai du racisme anti-noir par l’entremise de mon enfant. Je ferai l’expérience du racisme, dans la chair de ma chair. Toutefois, je bénéficie d’un avantage : la couleur de ma peau sera toujours blanche. Cela me permet d’échapper à ma propre négritude en m’exprimant dans la langue du colonisateur, trahissant ainsi mon origine culturelle et masquant mon identité derrière ma peau blanche; ce que mon enfant ne pourra jamais faire. Il s’agit de l’une des manifestations du privilège blanc.

Pour Césaire, la négritude est quelque chose dont on doit être fier. Mon enfant exprimera sa négritude par sa manière de parler le français et de manger des mets traditionnels réconfortants, en savourant des fruits de palme nappés de sirop d’érable. Elle sera ce métissage, vivant fièrement et avec aisance sa double négritude.

Réflexion spirituelle

Dans la généalogie de Jésus que présente le premier évangile, l’auteur insiste sur la pluralité culturelle des origines de Jésus Christ : Dieu s’est incarné dans l’histoire. Cette généalogie mentionne quatre femmes, soit Tamar, Rahab, Ruth et Bethsabée, qui, ancêtres de Jésus, étaient des immigrantes au sein du peuple d’Israël.

Jésus a lui-même connu le sort des réfugiés quand il était bébé (Mathieu 2), et ses disciples l’ont pris pour un résident étranger (parokeis) lorsqu’après sa résurrection il a marché avec eux sur la route d’Emmaüs.

Jésus allait volontairement à la rencontre des marginaux (prostitués, Samaritain, Cananéenne ou laissés-pour-compte), et ses actions faisaient contrepied à l’ordre politique et religieux. Le fait qu’on l’ait cloué sur une croix a possiblement à voir avec cette attitude.

Action

J’enseignerai à mon enfant que la résurrection de Jésus est la victoire sur la mort que nous côtoyons quotidiennement, et qui se manifeste sous la forme du colonialisme et du racisme. Dorénavant, nos négritudes ne doivent plus jamais être source de stigmatisation. Ainsi, quand nous célébrons la résurrection de Jésus, c’est la victoire de nos différences en Christ que nous célébrons.

Que souhaitez-vous enseigner et apprendre?

– Martin Bellerose (lui, il) détient un doctorat en théologie de l’université de Javierano à Bogota, en Colombie. Il a été professeur à l’Institut d’étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission (IERTIMM) en plus d’en assurer la direction, et il occupe depuis peu le poste de directeur de la formation en français de l’équipe des Ministères en français de l’Église Unie du Canada. Il habite à Montréal et est membre de la communauté de foi Camino de Emaús, au sein de l’Église Unie du Canada.

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