Samuel Vauvert Dansokho
Parlant de la comédie et de l’humour, l’on dit qu’« elle corrige les mœurs en riant ». Le rire ou le sourire peuvent énormément accomplir sur notre cheminement commun vers une Église Unie antiraciste. La lutte antiraciste est une longue course qui demande du souffle et un bon moral. Elle n’a pas à être toujours pénible et dépressive. Les « mots pour guérir des maux du racisme systémique » peuvent être ponctués d’éclats de rire, surtout en cette période de l’Avent et de Noël. Vous connaissez peut-être ce jeu où l’on vous donne la réponse et vous cherchez la question (Jeopardy). Eh bien, voici un jeu dans lequel vous prenez une expression (que j’ai entendue de mes propres oreilles) et vous imaginez le contexte qui s’en rapproche le plus (la personne qui mène le jeu a la réponse au dos de la carte, par exemple), ainsi qu’une réponse adéquate ou des questions menant à une réflexion plus profonde. D’accord ?
Variante 1 : Si vous jouez à plusieurs, la personne qui a donné la réponse la plus proche a le droit de suggérer la réponse adéquate. Vous pouvez, bien sûr, discuter et argumenter à propos des hypothèses de base pas tellement évidentes de prime abord!
Variante 2 : Vous pouvez discuter d’une phrase par jour avec des jeunes, ou les regrouper (p. ex., 1-3-11 ; 2-4-5 ; 6-10-11 ; 7-8-9) pour en faire autant de sous-thèmes.
01 « Vous autres, vous avez le rythme dans le sang. »
02 « Ils ne viennent pas aux repas payants que nous organisons pour socialiser. »
03 « Quels beaux habits! Ce sont tes pyjamas? »
04 « Ils savent bien comment utiliser le système. »
05 « Toi, tu n’es pas comme eux. »
06 « J’ai rencontré untel à XYZ, tu dois le connaitre. »
07 « C’est de la nourriture, ça? »
08 « Wow! Leurs enfants sont propres, bien habillés et bien éduqués. »
09 « J’ai un singe sur le dos. »
10 « Nous y avons vu de beaux animaux. »
11 « En matière de race, je suis aveugle et ne vois pas de couleurs. »
12 « Heureusement que vous êtes ici et pas là-bas! Vivre au Canada est une véritable bénédiction. N’est-ce pas? »
CONTEXTE ORIGINAL
01 : C’est la remarque qu’on me fait souvent lorsque je frappe dans mes mains quand la musique est entrainante ou lorsqu’on décline mon invitation à me rejoindre sur la piste de danse, avec un regard horrifié!
Non, ce n’est pas vrai que « les noirs ont le rythme dans le sang », en tout cas pas plus que certains « frozen chosen ».
Moi, j’aimerais bien qu’on me réponde, par exemple, « d’accord ET je t’invite pour la prochaine valse !»
02 : Les dames bien intentionnées de la paroisse ont organisé un repas payant pour lever des fonds et, pensent-elles, forger des liens avec des familles africaines nouvellement arrivées.
Est-ce la tradition de « vendre » ou d’« acheter » la nourriture dans les repas communautaires? Combien cela pourrait-il coûter à une famille avec plusieurs enfants? Que dénotent les règles de bonnes habitudes à table? Qui a pour menu salades, sandwiches et plats froids?
03 : Cela ne rate presque jamais d’entendre la première affirmation; la deuxième, bien que moins courante se veut souvent un mot d’esprit pour mettre de la bonne humeur.
Y a-t-il quelque chose d’autre à dire, à part l’aspect extérieur inhabituel? Portez-vous vos pyjamas en public, sauf peut-être sur Zoom… et encore? Considérez-vous vraiment que tout le monde doit s’habiller en jeans et T-shirts ?
04 : C’est le commentaire irrité ou moqueur visant, hors de leur présence, les personnes bénéficiant de l’aide sociale.
À qui bénéficie le système d’assistance sociale ou de charité chrétienne? Est-ce pour donner bonne conscience à ses dispensateurs ou pour gonfler leur ego? Les personnes obligées à tendre la main, n’ont-elles pas de dignité ou d’amour-propre? Comment leur offrir une véritable solidarité plutôt que de la condescendance? Savez-vous ce que coûte l’immigration monétairement aux immigrés, ne serait-ce qu’en frais administratifs?
05 : C’est la réponse, dans une conversation à propos « des autres », lorsque je demande : mais moi, où me situez-vous?
Elle est fausse et blessante, même et surtout quand elle se veut un compliment. Voulez-vous que j’aie honte d’être comme les miens? Serais-je supérieur en étant davantage assimilé à vous… donc en acceptant l’aliénation culturelle, sociale et même spirituelle?
06 : Cela arrive régulièrement lorsque des personnes d’ici parlent de leurs rencontres, lors de réunions ou de voyages, avec des personnes comme moi.
L’Afrique n’est pas un pays : c’est un immense continent. Il est possible de s’en rendre compte en allant sur Internet. Par-delà cet exercice et la découverte géopolitique de l’Afrique, quels sont les non-dits qui résident derrière une pareille réaction?
07 : C’est l’exclamation spontanée, souvent dégoutée, de plusieurs personnes qui après coup la regrettent, mais c’est trop tard!
Le mince vernis de la politesse a craqué et a débusqué les préjugés sous l’ombre desquels elle a l’habitude de faire illusion en société libérale. Si « cela » n’est pas de la nourriture, dîtes donc ce que c’est à votre avis, et par la même occasion, ce que sont les personnes qui la consomment… s’il est vrai que nous sommes ce que nous mangeons!
08 : C’est la réflexion, qui se veut flatteuse, de certaines bonnes gens, le dimanche, pendant les collations du café social ou dans le stationnement des voitures.
À quoi donc vous attendiez-vous si cela semble sortir de l’ordinaire au point d’être remarqué? Qu’êtes-vous VRAIMENT en train de dire – que les familles pauvres ou émigrées sont A PRIORI malpropres, sans discipline et sans éducation?
09 : C’était le commentaire « innocent et amusé » d’une jeune personne revenant du Libéria, inscrit en dessous d’une photo la montrant avec un enfant du pays sur son épaule.
À ma réaction de colère indignée, il ne savait plus où se mettre et quelqu’un crut devoir m’expliquer que c’était peut-être SEULEMENT une question de langage, car en anglais l’expression (I have a monkey on my back) n’a en général aucune connotation raciste. Et alors?
10 : Lors d’une rencontre de conscientisation sur le coût social énorme imposé aux populations africaines à cause de la dette immorale imposée à nos pays, une dame que je venais de rencontrer pour la première fois de dire en guise de présentation : « Ah, vous venez de l’Afrique? J’ai fait le Kenya et l’Afrique du Sud. Quels beaux animaux vous y avez! » Elle venait de faire un « safari » où tous frais payés à son agence de voyage d’ici, elle a été prise de l’hôtel à un campement hôtelier de luxe, baladée en bus climatisé dans des parcs, amusée le soir par des spectacles folkloriques et ramenée quinze jours plus tard à l’aéroport. Les seules dépenses qu’elle a eu à faire étaient l’achat de souvenirs « authentiques » vendus dans les kiosques hors taxes.
11 : C’est une déclaration péremptoire que certaines personnes font d’entrée de jeu avec un sans-gêne et une bonne conscience frisant l’aveuglement.
Je réponds en général que je ne veux pas qu’on me rende invisible et que je ne souhaite aucune infirmité à qui que ce soit. Quelle finalité veut donc achever ce genre très spécial de cécité ? Assure-t-elle une protection illusoire contre le risque de devoir être antiraciste?
12 : Chaque fois que les médias mentionnent une catastrophe humaine ou naturelle en Afrique, il y a toujours quelqu’un qui sort cette phrase avec de la commisération et une certitude déconcertante.
Quelle est notre responsabilité pour ce qui se passe là-bas? Que devons-nous aux autres? Comment peut-on se réjouir d’être à l’abri des malheurs des autres? La COVID-19 ne montre-t-elle pas que nous ne sommes pas à l’abri si les autres sont exposés?