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Biais implicites et racisme

Bill Millar

Bill Millar

Apprentissage

Il y a du racisme ici, comme dans la plupart des sociétés humaines. Il existe, mais n’a pas à exister. Bien qu’il puisse naître de schèmes de pensée universels, le racisme peut être, et doit être, désarmé et dissous. Pour déraciner efficacement le racisme (en nous-mêmes et dans la société), nous devons d’abord trouver ses racines — comprendre d’où il vient.

Il est tentant de vouloir rejeter la faute sur autrui, mais cela ne changera rien. Les origines du racisme se trouvent dans le fonctionnement de notre esprit, dans l’architecture fondamentale du cerveau. En tant que chrétiens et chrétiennes, nous disposons d’un langage théologique pour cela : un ensemble de mots traduits par péché dans le Nouveau Testament, des mots qui désignent le fait de manquer la cible, de s’égarer, de trébucher. Les neurosciences nous donnent d’autres moyens pour expliquer le phénomène. Différentes parties de notre cerveau font des choses très différentes. La partie du cerveau qui fait ce que nous appelons penser est le cortex préfrontal (CPF). Il est essentiel à notre expérience humaine, mais il est plutôt petit, et sa puissance de calcul est très limitée par rapport à des zones plus robustes.

Selon les chercheurs, nous sommes exposés à tout moment à environ onze millions d’informations. Notre esprit conscient ou pensant peut en traiter quarante. Notre cerveau trie et classe instantanément par catégorie des millions de bits, les réduisant à une quarantaine. C’est ce que nous percevons comme réel. La dépendance aux réponses automatiques a été la clé de notre survie évolutive. Notre cerveau a dû classer pour survivre. Et il doit continuer à le faire même aujourd’hui. Socialement, le cerveau crée des catégories nous/eux et semblable/différent. Ces catégories sociales peuvent être exactes ou inexactes, mais elles ne sont pas racistes en tant que telles. Toutefois, elles se rapprochent du racisme lorsqu’elles impliquent une évaluation négative de l’autre groupe.

Cette simplification mentale crée des préjugés implicites ou inconscients. Un ensemble de préjugés est directement lié au racisme : le préjugé du groupe d’appartenance, le préjugé d’affinité, le préjugé d’homogénéité du hors-groupe, etc. En tant qu’êtres humains, notre cerveau classe les autres comme étant nous ou eux, et également comme étant des personnes sûres ou dangereuses. L’une des façons les plus simples de classer consiste à se fonder sur ce que nous voyons (sur des caractéristiques physiques telles que la couleur de la peau ou d’autres éléments visuels comme les vêtements) ou sur ce que nous entendons (langage).

Les stéréotypes sont une forme de classement ou de biais. La plupart des préjugés sont inconscients comme, par exemple, le préjugé sur la taille. Environ 15 % des Américains mesurent plus de 1,80 mètre, mais 60 % des hommes PDG sont de cette taille ou plus grands, ce qui révèle une préférence inconsciente pour les hommes de grande taille aux postes de direction. Il serait absurde de choisir un PDG en fonction de sa taille, tout comme il serait absurde de donner aux employées ou aux employés en surpoids de moins bonnes évaluations, ou pour un enseignant, de poser des questions aux garçons plus souvent qu’aux filles en classe ou de supposer que tous les jeunes Noirs sont bons en sport.

Les préjugés, y compris les stéréotypes, sont étonnamment malléables. Une fois que nous avons pris conscience des préjugés liés à la taille, nous sommes moins susceptibles d’être influencés. Le racisme est beaucoup moins malléable. Bien qu’il puisse être ancré dans l’architecture du cerveau, le racisme s’est transformé en quelque chose de toxique. Le racisme se répand lorsque des processus internes de catégorisation se confondent avec le pouvoir, les privilèges et les droits. Si les préjugés sont universels, il va de soi que les privilèges ne le sont pas. Un privilège n’existe pour une personne que si une autre n’en a pas. Le droit est l’appropriation intérieure de privilèges, parce que nous en venons à croire consciemment que nous avons droit à ces privilèges.

Les efforts visant à éradiquer le racisme seront vains si nous ne travaillons qu’au niveau conscient. La logique et la raison semblent beaucoup moins efficaces qu’on aurait pu le croire dans la lutte contre le racisme. Nous devons nous attaquer à la racine, ce qui implique, pour beaucoup, de prendre conscience de nos propres droits et privilèges. Nous n’avons pas besoin de chercher bien loin. Nous pouvons le constater au sein de notre paroisse, à la maison et dans nos relations. Toutefois, il peut être difficile de réfléchir à ces privilèges et à ces droits. Notre esprit tente de maintenir tout cela en dessous du seuil de la conscience, au niveau de postulats implicites. Une fois que nous avons pris conscience, ils peuvent perdre de leur efficacité et il est toujours possible que nous les abandonnions complètement. Un mélange de bienveillance envers soi-même et de détermination inébranlable produit les meilleurs résultats.

Réflexion sur la foi

En me promenant, je suis tombé sur le plus adorable des anciens bungalows : peinture parfaite, cour parfaite, jardin parfait. Il était situé à proximité de la ruelle d’une rue commerciale. De l’autre côté de la ruelle, dans un recoin derrière un magasin, j’ai vu la preuve qu’une personne sans abri vivait là. Il y avait des ordures. Des vêtements. Les fenêtres de la maison donnaient directement sur cette ruelle. Je me suis demandé ce que j’éprouverais si j’en étais le propriétaire. La réponse est arrivée bien trop vite : du ressentiment. Je ne voulais pas éprouver cela, mais c’est ce qui s’est passé en moi. Ce n’était pas moi le propriétaire et pourtant, je me sentais en quelque sorte en droit de ne pas voir cela. Comprenez-vous ce genre d’expérience? Que ressentiriez-vous dans ce cas? Qu’éprouvez-vous lorsque la douleur, la tristesse ou le désagrément empiètent sur votre vie personnelle ou privée? Paul a écrit : « […] J’ai en effet appris à me contenter toujours de ce que j’ai. Je sais vivre dans la pauvreté aussi bien que dans l’abondance. J’ai appris à être satisfait partout et en toute circonstance, que je sois rassasié ou affamé, que je sois dans l’abondance ou dans le besoin. » (Philippiens 4,11-13, NFC). Les enseignements du bouddhisme comprennent la pratique du détachement, qui consiste à s’assurer qu’aucune chose ne nous possède, y compris nos propres attentes.

Je vous invite à penser à votre maison et à vos possessions, puis, si vous le voulez bien, à vous en détacher. Laissez-les simplement partir, peut-être en prononçant les mots : « Entre tes mains, ô Dieu, entre tes mains. » Beaucoup d’entre nous qui participons à la vie de l’Église pensent que nous avons le droit d’avoir un style de célébration du culte qui nous convient. Mais le culte n’est pas censé répondre à vos besoins ou aux miens. Il est l’expression de l’amour et de la gratitude de toute une communauté envers Dieu. Je vous invite donc à vous souvenir de votre expérience de l’Église et, une fois de plus, à vous en détacher volontairement, peut-être en prononçant ces mêmes mots. Continuez à agir ainsi dans toutes les dimensions de votre vie. Votre travail. Vos relations amoureuses. Votre santé. Si nous agissons ainsi régulièrement, nous apprenons peu à peu à notre esprit à arrêter d’essayer de contrôler ce qu’en fin de compte, il ne peut pas contrôler.

Activité à faire avec les enfants

Il est possible de faire de nombreuses activités avec des enfants ou des jeunes pour examiner avec eux comment les préjugés implicites fonctionnent. L’une de ces activités s’appelle le Cercle de confiance. Invitez les enfants à écrire une liste de six ou sept personnes auxquelles ils font confiance et qui ne font pas partie de leur famille. Une fois qu’ils ont établi leur liste, dites-leur que vous lirez une liste de mots associés à la diversité; demandez-leur de cocher tous les noms de leur liste qui correspondent à un mot (par exemple : sexe, race, religion, orientation, revenu/classe). Regardez ensuite la liste ensemble. En général, la liste des personnes de confiance constitue un groupe de personnes qui nous ressemblent beaucoup. Demandez pourquoi il en est ainsi.

Engagement de groupe

L’espace principal du travail en faveur de la justice raciale ne se situe pas à l’intérieur, mais au dehors. Mais pour bien faire, nous devons également créer un espace intérieur, un lieu exempt de culpabilité et d’anxiété, où l’on peut agir en toute liberté, où un nouveau récit ou une nouvelle compréhension peuvent naître et évoluer. Le racisme et les préjugés sociaux sont si répandus dans notre culture que nous avons été conditionnés en profondeur par ce type de pensée réductionniste, et éduqués à la considérer comme normale. Pour contrer cela, nous devons transformer notre façon de penser, passer par un déconditionnement profond et suffisant pour nous libérer de ce type d’éducation. Et les clés pour cela, je crois, résident dans la pleine conscience et la compassion.

Cette activité doit accompagner notre travail intérieur, et non le précéder. Beaucoup d’entre nous se cachent trop facilement derrière un tourbillon d’activités, évitant le difficile travail intérieur nécessaire pour devenir des alliés fiables. C’est pourquoi je vous invite à vous engager dans une action interne radicale, à plonger en profondeur dans la réflexion sur les manières dont nous avons été touchés et infectés par des modes de pensée et des modèles relationnels qui favorisent le racisme.

Voici quelques suggestions pour vous guider :

  • Respirez. Faites une pause avant de réagir aujourd’hui. Les préjugés s’activent lorsque nous agissons rapidement. En ralentissant notre réflexion ou notre réaction, notre cortex préfrontal peut rattraper son retard. Posez-vous des questions telles que : « Qui ai-je envie d’être en ce moment? Comment puis-je donner le meilleur de moi-même? »
  • Faites remonter les présupposés à la surface. Lorsque vous sentez que vous réagissez à quelqu’un ou à quelque chose aujourd’hui, demandez-vous simplement : « Qu’est-ce que je suis en train de supposer maintenant? » Le simple fait de faire émerger les présupposés enfouis dans notre inconscient et de les examiner rationnellement peut faire disparaître beaucoup de préjugés.
  • Pratiquez la bienveillance. Reconnaissez que notre cerveau fait ce travail le plus souvent sans que nous en soyons conscients. Beaucoup d’entre nous ont été immergés dans des pensées racistes. Éprouvez un remords justifié pour les mots ou les actions qui ont blessé, mais ne vous lamentez pas. L’autohumiliation ou l’autoréprimande est rarement utile.

Défense et promotion des droits

Nous ne devons pas éviter toutes les actions extérieures. Il ne fait aucun doute que d’autres textes de cette série proposeront des activités utiles et constructives. Je me contenterai de vous suggérer de planifier une microaction, un petit geste que vous serez peut-être la seule personne à voir, quelque chose qui découle de votre nouvelle prise de conscience et de votre nouvelle compréhension, quelque chose qui ne ressemble pas à la manière dont vous auriez pu agir auparavant. Ou peut-être une façon légèrement différente de faire une activité. Une fois que vous aurez accompli cette action, planifiez-en une autre.

Bill Millar est l’hôte de la série de podcasts Open Out qui porte sur des éléments concrets du ministère interculturel. La série découle d’une recherche financée par la bourse McGeachy et de ses années de ministère à la Knox United Church de Winnipeg. Bill fait également partie du Forum pour le leadership et l’apprentissage interculturels et du Western Intercultural Ministry Network.

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