On connaît – un peu – le chevalier de Saint-Georges (1745-99) ou le général Dumas (1762-1806), nés aux Antilles de pères européens et de mères esclaves.Par leur statut dit de « mulâtres », ils étaient assez blancs pour échapper à l’esclavage des « isles à sucre » et se faire un nom, le premier dans la musique, le second dans l’armée, mais néanmoins trop noirs pour ne pas subir un ostracisme mémoriel.
Dans le cas d’Anton Wilhelm Amo, seule une extraordinaire conjonction historique lui valut un autre destin que celui d’esclave dans l’enfer des plantations. Né dans l’actuel Ghana peut-être en 1703, il fut razzié enfant et offert comme « cadeau commercial » par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales à un Allemand, le duc de Brunswick-Wolfenbüttel. Cet esprit éclairé le fit baptiser et lui donna une excellente éducation qui permit au jeune Amo d’intégrer les universités de Halle, de Wittenberg où il soutint deux thèses en latin. Puis il enseigna aux universités de Halle et de Iéna, participant activement aux controverses philosophiques du mouvement des Lumières, en Allemagne. Il est probable qu’il croisa le chemin d’un autre prodige africain, Abraham Hannibal (1696-1781), un esclave né en Afrique centrale, vendu à un diplomate russe à Istanbul et présenté au tsar Pierre le Grand qui en fit un conseiller et un militaire éminent.
Si Abraham Hannibal put fonder une famille (il est l’arrière-grand-père du poète russe Pouchkine), Amo ne réussit jamais à s’intégrer totalement en Allemagne et retourna au Ghana où il mourut vers 1753-55. Il était tombé dans l’oubli quand l’Allemagne de l’Est communiste se saisit de son parcours pour en faire un étendard de la solidarité du Bloc socialiste envers l’Afrique émergente : une instrumentalisation totalement anachronique…
• Source : Jean Loignon
Il a su montrer, à une autre époque, qu’un Africain pouvait s’illustrer à l’université dans les sphères intellectuelles les moins accessibles.